Par hasard, ils se sont retrouvés dans ce tramway, inhabituel refuge dans un Moscou pris dans une inédite vague d’intimidations et de violences policières. Vétérans endurcis des manifestants anti-Kremlin, la quarantaine rebelle mais sage, et nouveaux protestataires, entre 20 et 30 ans, entre convictions et peurs, ils viennent de jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre, déployées comme jamais dans le centre de la capitale, en ce 31 janvier, gris dimanche enneigé.
Circulant à travers les quartiers nord de la ville, le tram numéro 13, vitrine des transports publics ultramodernes et connectés de la mairie, file vers le parc Sokolniki. Dehors, les « cosmonautes », surnom donné aux policiers antiémeute lourdement équipés de la tête aux pieds, battent le pavé couvert de neige boueuse qui rend le sol glissant. Ils arrêtent au hasard des manifestants. Les fourgons se remplissent vite.
Barrages et arrestations
« Je n’ai jamais vu autant de police ! Nous ne faisons pourtant que demander une Russie meilleure… », souffle Dmitri, 47 ans, habitué depuis dix ans des rassemblements contre Vladimir Poutine. A côté de lui, sur les banquettes du tramway, Sergueï, 32 ans, et son amie Maria, 24 ans, ironisent. « Nous nous promenons. C’est notre droit ! Une balade vers une destination politique : la démocratie… », disent-ils en souriant.
Non autorisé, le rassemblement est en effet officiellement une simple « promenade ». Pianotant sur leurs téléphones portables, les passagers du tram numéro 13 suivent les derniers messages relayés sur les réseaux sociaux pour guider les manifestants depuis que, tôt le matin, le point initial de ralliement a été totalement bouclé.
Ils devaient se retrouver à midi au cœur de Moscou, place Loubianka, siège du FSB, l’héritier du KGB. Mais le centre de la capitale était verrouillé, rues bloquées, stations de métro fermées. Un cortège de quelque 5 000 personnes a certes réussi à se former à un moment, criant « Poutine voleur » et « liberté ». Barrages et arrestations ont fait éclater ce cortège. La foule, difficile à quantifier, est éparpillée en groupes chaotiques plus ou moins larges.
Près du parc Sokolniki, nouvelle destination : Matrosskaïa Tichina, la prison près du centre-ville où est détenu Alexeï Navalny. L’opposant, arrêté le 17 janvier immédiatement lors de son retour à Moscou, cinq mois après son empoisonnement en Sibérie et sa convalescence à Berlin, doit être jugé mardi 2 février dans l’une des quatre affaires judiciaires le visant. Il risque jusqu’à trois ans et demi de prison.
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