La nouvelle a déclenché une pluie de condamnations à travers le monde. Un peu plus de dix ans après une libération qui avait mis un terme à sa quinzaine d’années d’assignation à résidence au temps de la dictature militaire, l’ex-dissidente et désormais dirigeante de Birmanie, Aung San Suu Kyi, a été arrêtée par l’armée dans les premières heures de la matinée lundi 1er février. Avec elle, le président de la République, Win Myint, et d’autres responsables de son parti.
Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra une réunion d’urgence mardi matin sur la situation. Cette réunion, par vidéoconférence, se tiendra à huis clos, précise le programme. Interrogé sur ce qui en est attendu, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a affirmé que « ce qui était important était que la communauté internationale parle d’une seule voix ». De son côté, Thomas Andrews, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Birmanie, estime que les militaires birmans « sont coupables d’une attaque contre une démocratie émergente et le peuple » et a évoqué une « ombre épaisse planant une fois de plus » sur ce pays.
Dans un communiqué publié sur Facebook, les militaires avaient également annoncé la proclamation de l’état d’urgence pour un an, affirmant que ces mesures sont un mal nécessaire pour préserver la « stabilité » de l’Etat et que de nouvelles élections « libres et équitables » seraient mises en place au terme de l’état d’urgence. Les dernières élections, les législatives de novembre 2020, avaient été remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ce qui avait suscité l’ire de certains généraux, qui brandissaient depuis la menace d’un coup d’Etat.
Aucune précision n’a été donnée sur le lieu de détention d’Aung San Suu Kyi. Lundi soir, la télévision d’Etat a annoncé le départ de 24 ministres et la nomination de onze nouveaux. A la tombée de la nuit, les rues de Rangoun étaient désertes. Les télécommunications restaient perturbées et les banques ont été fermées jusqu’à nouvel ordre.
« Un coup dur [porté] aux réformes démocratiques »
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait déjà « fermement » condamné l’arrestation par l’armée d’Aung San Suu Kyi et des autres dirigeants politiques. Avec « la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux militaires, ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie », a-t-il ajouté. Le comité Nobel norvégien s’est également dit « scandalisé », réclamant la « libération immédiate » d’Aung San Suu Kyi.
Le président américain, Joe Biden, a appelé lundi l’armée birmane à rendre « immédiatement » le pouvoir. Le locataire de la Maison Blanche annonce par ailleurs un examen « immédiat » des sanctions qui avaient été levées en raison « des progrès vers la démocratie » et a évoqué la nécessité de prendre « les mesures appropriées ».
A la suite du président du Conseil européen, Charles Michel, et du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a demandé le rétablissement du gouvernement civil légitime et « la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues ». Les dirigeants des institutions européennes n’ont cependant pas cité le nom d’Aung San Suu Kyi, après avoir dénoncé son inaction et son acceptation des crimes en cours contre les Rohingyas [ethnie minoritaire de confession musulmane installée dans l’Arakan, Etat frontalier du Bangladesh] en Birmanie. Le Parlement européen l’a exclue en septembre 2020 de la liste des lauréats du prix Sakharov, qu’il lui avait décerné en 1990 pour son combat en faveur de la démocratie.
La nouvelle de son arrestation a ainsi été accueillie avec joie dans les camps de réfugiés rohingyas. « Elle est la raison de toutes nos souffrances. Pourquoi ne devrions-nous pas nous réjouir ? », a déclaré un chef communautaire, Farid Ullah, à Kutupalong, le plus grand camp de réfugiés au monde.
De son côté, Paris appelle à ce que « le résultat du vote des Birmans soit respecté » et « discute avec ses partenaires dans le cadre des instances internationales », a fait savoir le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, lundi sur Franceinfo, précisant que la « préoccupation » est « forte » pour les Français présents en Birmanie et que « les services du ministère des affaires étrangères sont mobilisés pour suivre et être en contact avec nos ressortissants sur place ».
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a, quant à lui, estimé que « le transfert des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire à l’armée constitue une inacceptable remise en cause du processus démocratique », réclamant aussi la « libération immédiate et sans condition » d’Aung San Suu Kyi.
« Retenue » et « respect de la Constitution »
Le ministère des affaires étrangères singapourien a, pour sa part, exprimé sa « sérieuse inquiétude », espérant que toutes les parties feront « preuve de retenue ». Il a été rejoint par Pékin, qui appelle les acteurs politiques birmans à « régler leurs différends dans le cadre de la Constitution et des lois, afin de maintenir la stabilité politique et sociale », a déclaré Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
La Constitution birmane de 2008 est au cœur du problème, selon Bob Rae, l’ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, expliquant sur Twitter que cette dernière a été « spécifiquement conçue pour garantir que le pouvoir militaire soit profondément ancré et protégé », ce qui permet aux militaires ce coup d’Etat.
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