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« Des gens ont si peur qu’ils ont empilé des médicaments chez eux » : au Liban, le difficile quotidien d’un pays au ralenti

Par Laure Stephan

Publié aujourd’hui à 14h00, mis à jour à 14h16

Sur le papier, le Liban est sous confinement strict jusqu’au 8 février : couvre-feu, attestation pour sortir de son domicile, fermeture des magasins alimentaires en dehors des livraisons… Ce plan est loin de convaincre l’ensemble des Libanais, qui mettent en cause la politique incohérente des autorités en matière de lutte contre le coronavirus et l’absence de compensations à la hauteur pour les plus démunis.

Près de 300 000 cas et plus de 2 600 morts ont été enregistrés dans ce pays de 6 millions d’habitants. A Tripoli, la grande ville du nord du Liban, le confinement est un coup de massue supplémentaire pour une population très éprouvée par la crise économique. Si la ville tourne au ralenti, elle connaît, depuis lundi 25 janvier, des soirées de manifestations et de violents heurts. Des habitants confient leurs préoccupations en ces temps de « fermeture ».

Le rez-de-chaussée du siège de la municipalité de Tripoli a pris feu lors d’affrontements avec les forces de sécurité, en marge des manifestations contre le confinement et la crise économique, jeudi 29 janvier.Le rez-de-chaussée du siège de la municipalité de Tripoli a pris feu lors d’affrontements avec les forces de sécurité, en marge des manifestations contre le confinement et la crise économique, jeudi 29 janvier.

Walid Soufi, enseignant à l’université, 37 ans et père de deux enfants

Je passe une partie de mes journées à enseigner en ligne. Ça n’est pas évident : on n’est pas formés pour ça, l’équipement est à nos frais, et les problèmes d’Internet ou d’électricité sont fréquents. Ma femme aussi enseigne : c’est compliqué quand on donne cours en même temps, avec nos enfants en bas âge.

Ce confinement est le plus dur de ceux que nous avons vécus. Prévoir une demande d’autorisation de sortie à remplir sur Internet, il fallait le faire ! Tripoli compte un pourcentage élevé d’analphabètes. A-t-on pensé à eux ?

Je mets bien le nez dehors pour faire un peu de sport. Mais notre problème, n’est pas si on a le droit de sortir ou si les magasins sont ouverts. C’est la crise économique, la pénurie et la cherté croissantes de certains produits. Le lait pour mon fils d’un an et demi est devenu introuvable.

Walid Soufi, 37 ans, professeur à l’université et père de deux enfants, dans l’appartement de son cousin à Tripoli, le 29 janvier 2021.Walid Soufi, 37 ans, professeur à l’université et père de deux enfants, dans l’appartement de son cousin à Tripoli, le 29 janvier 2021.

Je respecte la distanciation sociale, je porte un masque, mais va-t-il nous protéger de la catastrophe économique ? Cela fait plus d’un an que la situation se dégrade. Nous sommes privilégiés par rapport à d’autres. Nos salaires ne valent plus rien en devises, mais au moins on est payé en ce temps de confinement. On se sent très vulnérable. Tous les ingrédients sont réunis pour une explosion sociale. Mais je n’ai pas perdu espoir. Autrement, j’aurais quitté le pays. Je reste très attaché à ma ville.

Hamed Minkara, pharmacien dans le quartier de Bab El-Ramel, 29 ans, célibataire (les pharmacies font partie des commerces autorisés à ouvrir)

Je ne porte pas de masque dans ma pharmacie. Je me sens déprimé par la situation en général, et par ce que je vis : des clients passent leurs nerfs sur moi parce que des médicaments sont introuvables, d’autres pleurent parce qu’ils ne peuvent pas se permettre des soins. Il m’arrive d’aider des gens en détresse, grâce au soutien de personnes qui ouvrent un compte ici pour les plus nécessiteux.

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