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Claudette Labonté : « En Guyane, l’Amazonie française n’est pas mieux traitée que sa voisine brésilienne »

Tribune. En tant que femme autochtone de la Guyane française, lire que Raoni, notre aîné kayapo, porte plainte contre le président du Brésil auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye me réjouit, et me donne l’espoir qu’une certaine forme de justice pourra enfin arrêter les excès dangereux et les conséquences dramatiques des politiques d’exploitation à outrance de l’Amazonie. En France, nous sommes en effet assez bien informés sur les incendies en Amazonie et l’accélération de la déforestation provoqués par les politiques de M. Bolsonaro, et nous espérons que justice pourra être faite. Cependant, nous oublions très souvent que la France est aussi un pays amazonien, à travers la Guyane française.

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La communauté internationale n’est pas au fait des politiques de la France en Amazonie. En tant qu’Amérindienne, appartenant au peuple Palikur (un des six peuples autochtones de la Guyane française), et représentante de mes frères et sœurs autochtones en tant que membre du Comité autochtone de Guyane, je dois constater que la soi-disant « patrie des droits de l’homme » n’est pas vraiment logée à meilleure enseigne que sa voisine brésilienne.

Autochtones exclus des consultations

Face à ses injustices permanentes, nous nous sentons donc impuissants. Et nous tenons à rappeler que depuis sa création, en 2018, le Grand Conseil coutumier, instance consultative auprès de l’Etat censée représenter les peuples autochtones et afro-descendants, n’est basé sur aucun protocole de consultation des peuples autochtones. Une telle consultation est un droit international pourtant reconnu par l’ONU mais qui n’est pas appliqué en France. Nous avons même, parfois, été intentionnellement mis à l’écart des décisions sur des projets importants nous concernant.

« Les bonnes résolutions annoncées en métropole semblent bien loin »

C’est le cas, par exemple, de la campagne de vaccination contre le coronavirus et de son protocole. Les échanges à ce sujet entre la préfecture, l’Agence régionale de santé (ARS) et la collectivité territoriale de Guyane sont bien avancés, mais aucun représentant n’a daigné consulter les autorités coutumières et les informer, alors que beaucoup de questionnements et de craintes entourent le vaccin. Aurons-nous la possibilité d’être convenablement consultés ? Jusqu’à présent, aucune réflexion n’a été menée en commun entre nos autorités coutumières, l’état et l’ARS.

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D’autre part, les bonnes résolutions annoncées en métropole semblent bien loin, alors que le projet Montagne d’or, projet d’extraction minière sur 15 km2 qu’on croyait enterré, notamment grâce à la protestation locale, celle du mouvement autochtone, a été relancé via la décision du tribunal administratif de Guyane de condamner l’État à prolonger la concession. Le gouvernement, qui n’a même pas envoyé ses représentants défendre sa position lors de ce procès, dispose de deux mois pour faire appel de cette décision, mais ne semble pas pressé de le faire. Tout cela alors que la convention citoyenne pour le climat, en métropole, a voté à plus de 94 % l’adoption d’un moratoire sur l’exploitation minière industrielle en Guyane.

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