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« J’étais le rabat-joie de service » : Anthony Fauci raconte sa difficile année à conseiller Donald Trump

Anthony Fauci écoute le président Donald Trump parler du coronavirus lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, le 9 avril 2020. Anthony Fauci écoute le président Donald Trump parler du coronavirus lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, le 9 avril 2020.

Anthony Fauci n’a jamais songé sérieusement à démissionner : « Il faut bien que quelqu’un ait le courage de dire la vérité. » Dans un entretien publié dimanche 24 janvier par le New York Times, l’inoxydable directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAD) revient sur l’année difficile qu’il a passé à conseiller Donald Trump dans la gestion de la pandémie de Covid-19.

A 80 ans, Fauci était pourtant rompu à l’exercice. A la tête du NIAD depuis 1984, il conseillait les présidents sur la gestion des diverses épidémies – VIH, grippe A, Ebola ou encore Zika… – depuis Ronald Reagan et faisait figure d’expert non partisan, respecté de tous. Cette pandémie et sa gestion par la présidence Trump l’ont pourtant désarçonné, voire éprouvé, rapporte-il au quotidien américain.

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Menaces de mort

Dans les meetings de campagne de Donald Trump, des partisans scandaient « Fire Fauci ! » (« Virez Fauci ! »)… sans être arrêtés par le président, qui les encourageait d’un sourire. C’est que, depuis le début de la pandémie, les prises de paroles de l’immunologue agacent Donald Trump, qui, soucieux de ne pas désespérer Wall Street, préfère affirmer alors que l’épidémie va « disparaître comme par magie ». Dès le 28 mars, l’immunologue est placé sous la protection des services secrets. Il reçoit des menaces de mort des partisans de Donard Trump, qui estiment qu’il « compromet les chances de réélection du président », explique-t-il. Ses enfants reçoivent ces menaces « directement sur leur téléphone, ou chez eux. Comment ces connards [de harceleurs] ont-ils bien pu obtenir ces informations ? », s’agace-t-il.

Une pression plus subtile est également exercée directement par Donald Trump. Après plusieurs prises de paroles peu optimistes, Anthony Fauci reçoit un appel du président américain, lui demandant « Pourquoi n’êtes-vous pas plus positif ? Vous devez adopter une attitude positive », relate l’immunologue. Et de poursuivre :

« Ils essayaient de minimiser les vrais problèmes et discutaient avec entrain du fait que tout allait bien. Ce sur quoi j’ajoutais toujours : “Minute, les gars ! C’est une affaire sérieuse.”.Il y avait une blague récurrente – et amicale – selon laquelle j’étais le rabat-joie de service. »

Si « amicale » soit-elle, cette « blague » n’est pas sans conséquences. La contradiction portée par M. Fauci n’est pas du goût de l’entourage du président, qui réduit peu à peu ses occasions de prendre la parole, voire entreprend un travail de sape de sa crédibilité. Rapidement, le service de presse de la Maison Blanche décide d’autoriser – ou plus souvent d’interdire – ses interventions dans les médias. Le 12 juillet, le service de presse de la Maison Blanche envoie aux journalistes une liste détaillée des phrases de Fauci qui seraient fausses – « c’était absurde car elles étaient toutes vraies », commente l’immunologue. Le 14 juillet, l’un des proches conseillers de Donald Trump, l’économiste Peter Navarro écrit un éditorial dans USA Today disant que Fauci se trompe sur la plupart des choses qu’il affirme. Difficile pour l’intéressé de se défendre. L’homme est d’un naturel discret, très attaché à la neutralité de sa fonction. « Je n’aime pas affronter les gens », explique-t-il pudiquement.

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Le déni présidentiel

Si les proches de Donald Trump montrent très clairement de la défiance à l’égard de l’immunologue, ce dernier explique qu’il n’a pas eu d’échange violent avec le président des Etats-Unis. Anthony Fauci regrette cependant l’absence d’écoute de Donald Trump concernant les avis d’experts, le président leur préférant les avis de ses amis :

« Ce qui m’a vraiment inquiété, c’est qu’il recevait des commentaires de personnes qui l’appelaient – je ne sais pas qui –, des gens qu’il connaissait du monde des affaires, qui disaient : “J’ai entendu parler de ce médicament, n’est-il pas génial ?” (…) Et j’essayais de lui expliquer calmement que pour savoir si quelque chose fonctionne, il faut faire un essai clinique approprié (…) et on le soumet à un examen par les pairs. Et il me disait : “Oh, non, non, non, non, non, non, non, non, ce truc fonctionne vraiment.” »

Malgré les divers conseils donnés publiquement par Trump – s’injecter de l’eau de Javel, consommer de l’hydroxychloroquine… –, qu’Anthony Fauci s’est vu obligé de contredire, ce dernier n’a jamais songé sérieusement à la démission. « L’idée [que les personnes au pouvoir] sachent que des absurdités ne pouvaient pas être débitées sans que j’y mette un frein me semblait importante », explique-t-il.

A 80 ans, est-ce l’heure de la retraite pour le docteur Anthony Fauci ? « Je veux continuer à [occuper mon poste] jusqu’à ce que je nous voie écraser cette épidémie, jusqu’au retour à la vie normale, conclut-il. Et même après cela, j’ai laissé des choses inachevées. Il reste l’épidémie de VIH, à laquelle j’ai consacré la majeure partie de ma vie professionnelle. Je veux continuer ce travail. » Le changement de présidence facilitera en tout cas son travail, veut-il croire. Le 21 janvier, lors de sa première conférence de presse sous l’administration Biden, le Dr Fauci a décrit le « sentiment libérateur » de pouvoir à nouveau « venir ici et parler de ce que vous savez : des preuves, de la science »

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Le Monde

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