Chronique. Le corridor économique sino-pakistanais qui s’étend du Xinjiang à la mer d’Arabie s’enlise dans les sables mouvants de la dette. Il est pourtant le projet-phare des « nouvelles routes de la soie » (en anglais, Belt and Road Initiative, BRI), ce grand plan destiné à relier l’Asie à l’Europe et à l’Afrique, via de nouvelles infrastructures financées par Pékin. En avril 2015, le président chinois, Xi Jinping, s’était déplacé à Islamabad pour lancer officiellement les travaux de construction du corridor, avec pas moins de 51 accords signés. « Notre amitié est plus haute que les montagnes, plus profonde que les océans et plus douce que le miel », s’était alors réjoui le dirigeant pakistanais, Nawaz Sharif.
Désaccords sur un financement ferroviaire
Depuis, les relations entre les deux pays se sont légèrement refroidies. La réunion du Joint Cooperation Committee (JCC), qui valide les grands projets du corridor, a été retardée à plusieurs reprises à la fin de l’année 2020, puis reportée à une date non définie. En cause : des désaccords sur le financement de la modernisation d’une ligne de chemin de fer reliant Peshawar à Karachi en passant par Lahore, selon les informations du quotidien pakistanais Dawn. Vingt-cinq milliards de dollars ont été dépensés jusqu’à présent pour la construction du corridor, sur les 62 milliards prévus pour l’ensemble du projet.
« Le Pakistan n’a plus les moyens de s’offrir de gigantesques infrastructures »
En proie à une crise de la dette, le Pakistan n’a plus les moyens de s’offrir de gigantesques infrastructures. De son côté, « la Chine est plus prudente dans ses aides financières », observe Jacob Mardell, analyste au think tank allemand Merics. Elle rechigne à offrir des prêts à des taux réduits, après avoir été très généreuse au cours des dix dernières années. La moitié des pays à bas et à moyen revenu risquent de connaître – ou connaissent déjà – une crise de la dette, Pékin craint les défauts de paiement en série. Les prêts accordés à l’étranger par la China Development Bank et l’Export-Import Bank of China sont passés de 75 milliards de dollars par an en 2016 à 4 milliards en 2019.
Le contexte politique a également changé. En la matière, le Pakistan est plus imprévisible que la Chine : les gouvernements s’y succèdent au gré des élections (et des coups d’Etat militaires). Le premier ministre, Imran Khan, porte moins haut l’amitié avec Pékin que son prédécesseur. Il avait critiqué la corruption de certains projets pendant sa campagne électorale de 2018, avant d’adopter un ton plus conciliant une fois arrivé au pouvoir. « Le gouvernement actuel s’intéresse sans doute moins à ce corridor que le précédent, mais il n’a surtout pas les capacités administratives de superviser autant de projets », estime Khurram Husain, éditorialiste au quotidien Dawn. L’enthousiasme est également tombé d’un cran parmi les milieux d’affaires, qui espéraient tirer bénéfice des nombreux chantiers. « Hormis quelques cimenteries locales, les entreprises pakistanaises n’en ont pas profité et elles craignent même la concurrence chinoise sur leur marché », avance Khurram Husain.
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