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Au Québec, la pandémie aiguise l’intérêt pour la vie des autres

Un piéton traverse une rue déserte de Montréal le 13 janvier. Un piéton traverse une rue déserte de Montréal le 13 janvier.

LETTRE DE MONTRÉAL

« Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire », chantonnait boudeusement Anna Karina au bord de l’eau dans Pierrot le Fou. Depuis l’arrivée de l’ouragan Covid-19, des millions de confinés-déconfinés-reconfinés ont entonné le même refrain.

A Montréal comme ailleurs, ils sont légion ceux qui ont tenté de dépasser leur angoisse en se réfugiant dans leur cuisine. Un charmant voisin de notre entourage, un New-Yorkais exilé doublement affligé par la pandémie et le désolant spectacle trumpiste de l’autre côté de la frontière, est devenu le boulanger officieux et clandestin du quartier. En quelques mois, les farines, les graines à utiliser, le temps de levée de la pâte et la cuisson parfaite du pain n’ont plus eu aucun secret pour lui.

Mais cette vie arrêtée en a aussi poussé certains à faire leur miel du regard posé sur la vie des autres. C’est le cas de Lubalin, un jeune musicien canadien de 30 ans qui avait connu, à la fin de l’été dernier, un joli succès d’estime pour un premier titre mélancolique et très introspectif, Don’t Know. Le masque obligatoire ne favorisant pas le bouche-à-oreille, la mélodie était restée confidentielle. Mais, à la fin du mois de décembre 2020, le compte TikTok de Lubalin explose : de 5 000 abonnés, il passe à un million, puis deux millions et frôle aujourd’hui les 2,5 millions. Pourquoi ce soudain engouement ? Il vient de poster sur ce réseau social, très prisé des adolescents, la vidéo d’une nouvelle chanson inspirée de récents messages lus sur Facebook. Un échange autour d’une petite annonce immobilière, où un locataire éconduit harcèle une propriétaire, inspire Lubalin, qui le met en musique en accentuant son côté dramatique. Le mélange de dérision et de menaces sous-jacentes fait un carton.

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Shakespearien et burlesque

Lubalin récidive en s’appuyant cette fois sur une dispute totalement loufoque – toujours puisée sur Facebook – entre Doris et Helen, cette dernière se plaignant de s’être fait voler sa recette de brocolis par une certaine Caroline (on ne dira jamais assez l’importance de la cuisine pendant cette épreuve pandémique). Sur fond de musique électronique, Lubalin donne au dialogue entre les deux ménagères, interprétées avec bigoudis et charlotte sur la tête, la profondeur d’un drame shakespearien assorti d’une touche de burlesque. La communauté TikTok s’embrase, la chanson compte plus de vingt millions de vues à ce jour. Un moment volé à la vie des autres qui passe à la postérité, on chantonne « ohhhh Caroline » (la voleuse de recette) dans les rues de Montréal.

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