Effet colatéral, la crise du Covid a bousculé de manière surprenante les positions sur l’échiquier des politiques industrielles. Emblématique de cette révolution copernicienne, les discours à fronts renversés de deux vigies de l’industrie. D’un côté Alexandre Saubot, ex-candidat à la tête du Medef et président du lobby patronal France Industrie depuis novembre, soutient les orientations gouvernementales : « Tout n’a pas encore été mené à terme dans les choix de politique industrielle, relève-t-il. Mais il faut continuer dans la même direction. » En face, Alain Rousset , président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine depuis vingt-deux ans et électeur revendiqué d’Emmanuel Macron, entonne un discours musclé d’opposition girondine à l’approche des élections régionales : « Paris a perdu toutes ses compétences dans le domaine de la politique industrielle », cingle celui qui avait été pressenti comme ministre de l’Industrie au début du quinquennat Hollande.
Pour Alain Rousset, « c’est en région que les choses doivent se passer, notamment pour se mettre à l’écoute des PME et ETI, qui n’ont pas de relais à Paris. Il s’agit là du modèle vertueux des Länder, qui signe la réussite de l’Allemagne ». Du coup, selon l’élu, un plan de relance concentré entre les mains de l’Etat ne passe pas le contrôle qualité. Ainsi, la Nouvelle-Aquitaine a comptabilisé 202 projets d’investissement dans le cadre du plan de relance, pour un montant total de 550 millions d’euros. Seuls seize ont été retenus, débloquant 9 millions d’euros d’aides de l’Etat pour 45 millions d’euros d’investissements total. « De telles décisions ne sont pas à la maille. Il faut être plus ambitieux », juge le président du conseil régional. Il a pour sa part détaillé son propre « plan de transitions et de reconquête technologique » le 5 octobre dernier, reposant sur 350 millions d’euros de financement pour soutenir les filières du cru, de l’aéronautique au tourisme en passant par la « mobilité décarbonée » et le secteur de la glisse.
Retour des emplois
Loin de cette critique acérée, Alexandre Saubot affiche une tempérance et une bienveillance rares dans les milieux patronaux. La réduction des impôts de production, à hauteur de 10 milliards d’euros par an, est à ses yeux un bon début : « La baisse n’est pas suffisante, mais elle est significative. » Et l’intérêt des entreprises pour le plan de relance signe, selon lui, sa bonne fabrication d’origine. « Un tiers des entreprises, soit plus de 10 000 d’entre elles, ont déposé des dossiers, se félicite-t-il. Il n’est pas illégitime que ces candidats soient maintenant passés au crible par les pouvoirs publics, même si je préférerais que les dossiers retenus soient plus proches de 50 % que de 30 %, comme actuellement. »
Pour le polytechnicien, qui dirige une ETI dans les nacelles et chariots élévateurs, Haulotte, dans le Rhône, la forte imprégnation industrielle des programmes gouvernementaux ne doit rien au hasard. « Le travail a été bien fait en amont », pointe celui qui a présidé la puissante fédération patronale de la métallurgie, l’UIMM, de 2015 à 2018. « Le gouvernement avait déjà travaillé sur un pacte productif, rappelle-t-il. Il était au clair sur les risques et les opportunités dans le secteur. C’est pourquoi le plan de relance a pu être monté rapidement. » Pour Alexandre Saubot, la fabrique d’emplois industriels, qui a recommencé à tourner entre 2017 et 2019, pourrait donc être relancée après la crise. Quand Alain Rousset, lui, craint des lignes de production grippées par un surcroît d’administration jacobine.
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