Publié le : 21/01/2021 – 20:50Modifié le : 22/01/2021 – 07:06
Malgré le couvre-feu national à 18 h en vigueur sur tout le territoire, les nouvelles hospitalisations et entrées en réanimation augmentent en France. « La situation sanitaire est mauvaise », estime l’épidémiologiste Catherine Hill, pour qui « on va être obligé de reconfiner ». Interview.
Jamais deux sans trois ? Un nouveau confinement en France n’est désormais plus à exclure, et il « deviendrait probablement une nécessité absolue » si la circulation du variant britannique du Covid-19 augmentait « de façon sensible », a prévenu jeudi 21 janvier le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors d’une audition devant la Commission des lois du Sénat.
Dans la soirée, invité sur TF1, le ministre a de nouveau évoqué cette possibilité : « Si la situation devait évoluer (…) et si malgré le couvre-feu à 18 h, la pression sanitaire devait augmenter, alors nous pourrions envisager un confinement ».
Dans plusieurs pays d’Europe, les restrictions se multiplient ces dernières semaines : le confinement a été prolongé et renforcé en Allemagne jusqu’à la mi-février, un confinement strict est appliqué en Angleterre depuis début janvier au moins jusqu’à début mars, des confinements sont aussi en cours au Portugal ou en Autriche…
La France, « plutôt bon élève » en matière sanitaire en Europe, comme le disait le 12 janvier le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy, voit ses courbes épidémiques se dégrader malgré la mise en place d’un couvre-feu national à 18 h. Le taux d’incidence – les nouveaux cas pour 100 000 habitants sur une semaine – s’est stabilisé au niveau national depuis plusieurs jours, autour de 190. S’il est encore trop tôt pour y voir un effet des couvre-feux, le ministère de la Santé estime que cette solution est « efficace » dans les 15 départements où il est entré en vigueur depuis le 2 janvier. Deux semaines plus tard, le taux d’incidence y est en baisse dans dix départements.
Mais aux yeux des autorités sanitaires et de nombreux médecins, le contexte est rendu toujours très fragile par la menace des variants du Covid-19, dont le VOC 202012/01 plus contagieux, qui a submergé le système hospitalier au Royaume-Uni, où 1 820 décès supplémentaires ont été enregistrés mercredi (93 290 morts au total), un nouveau record quotidien.
La France a enregistré jeudi 25 735 patients hospitalisés pour une infection au Covid-19, soit 49 de plus en 24 heures, et 2 876 patients en réanimation, soit 24 personnes de plus que mercredi.
Catherine Hill, épidémiologiste, explique à France 24 pourquoi « on va être obligé de reconfiner » même si « ce n’est pas la solution » pour maîtriser l’épidémie.
France 24 : quel état faites-vous de la situation sanitaire actuelle en France ?
Catherine Hill : On voit que les arrivées à l’hôpital et en réanimation sont à peu près synchrones [les lignes rouge et bleue sur le graphique ci-dessous, NDLR]. À partir du 1er décembre, il y a eu une sorte de plateau, puis un creux des hospitalisations pendant la « trêve des confiseurs ». Et après les fêtes de Noël, les arrivées à l’hôpital et en réanimation ont augmenté, de même que la mortalité ces derniers jours.
La situation sanitaire est mauvaise : on a déconfiné beaucoup trop tôt en décembre, c’est pour cela qu’on est resté sur un haut plateau avec plus de 350 morts par jour. Et la situation sanitaire est en train de se dégrader.
À cela s’ajoutent les variants en circulation : si on en a de plus contagieux (à l’instar du variant britannique, NDLR), la croissance de l’épidémie va être plus rapide. Et si en plus il est plus grave, comme pourrait l’être le variant qui tue des habitants de Manaus à grande vitesse, ce serait encore plus catastrophique.
Doit-on reconfiner le pays ? Si oui, pourquoi et pour quelle durée ?
Comme les hôpitaux français vont être de nouveau saturés, on va être obligé de reconfiner le pays. Mais confiner le pays sans tester massivement ne sert pas à grand-chose. Le premier confinement n’a pas résolu le problème, le second non plus, le troisième ne résoudra rien car l’épidémie va continuer. Il faut confiner pour tester massivement la population : en testant 95 % de la population en même temps avec des tests salivaires, on peut trouver les gens qui sont positifs pour ensuite les isoler rapidement au lieu d’attendre qu’ils présentent des symptômes. Mais on n’a visiblement pas décidé de faire cela en France.
Concernant la durée, plus on confine tard, plus l’épidémie progresse, donc ce n’est pas une bonne stratégie. Si on avait confiné un peu plus tôt la première fois [en mars-avril, NDLR] on aurait eu beaucoup moins de morts. Plus on confine tôt, plus on réduit les risques, mais de toute façon le confinement n’est pas la solution, car quand on déconfine, l’épidémie repart.
Quelle forme devrait prendre ce troisième confinement ?
Il faudrait qu’on reste chez nous, un vrai confinement où on ne bouge pas comme on a fait au printemps dernier. Plus on ferme de lieux, moins le virus circule.
Les prochaines semaines en France ne vont pas être bonnes d’un point de vue sanitaire. La situation est très compliquée, elle n’est pas en train de s’améliorer et les autorités ne veulent pas confiner. Elles pensent que c’est contre-productif et que ce n’est pas bon politiquement, mais elles vont être obligées de le faire. Pendant que les autorités procrastinent, le virus circule de plus en plus.
Et l’épidémie va encore durer des mois : on ne vaccine pas encore assez vite [près de 824 000 personnes vaccinées jeudi depuis le début de la campagne, NDLR] pour pouvoir la contrôler. Il y a à peu près 5,8 millions de personnes de 75 ans et plus en France, ainsi que les soignants. On est très loin d’avoir vacciné l’ensemble de cette population prioritaire.
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