Analyse. Souvenirs, souvenirs : au sommet de Saint-Malo, en 1998, Jacques Chirac et Tony Blair signent un texte commun qui sera endossé un an plus tard par les quinze membres de l’Union européenne. Il évoque, sur le plan militaire, « une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces crédibles, avec les moyens de les utiliser et [la volonté de] le faire ». Vingt-trois ans plus tard, alors que le Royaume-Uni a mis fin au caractère prétendument irréversible de l’appartenance à l’Union européenne, les questions d’autonomie et de souveraineté de la défense européenne sont toujours posées. Et une nouvelle interrogation pointe : le départ des Britanniques va-t-il handicaper, démonétiser ou libérer la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ?
Pas question, en tout cas, de trouver une réponse dans l’accord conclu in extremis entre Bruxelles et Londres. A la demande des négociateurs britanniques, le sujet a été écarté de discussions déjà trop ardues, trop longues, trop tendues. C’est donc « plus tard » qu’il faudra envisager cette autre « relation future », confesse-t-on à Bruxelles.
Contribution britannique minimale
Le Brexit, au-delà des regrets manifestes de quelques diplomates et des satisfactions poliment tues des autres, est, pour l’Union, d’abord le rappel de quelques évidences en matière de défense. D’abord le fait que les Britanniques n’ont jamais adhéré à l’idée d’une PSDC forte. Sauf peut-être, souligne l’avocat Frédéric Mauro, spécialiste des questions de défense et coauteur, avec Olivier Jehin, de Défendre l’Europe (Nuvis, 2019), lorsqu’il s’agissait de faire plaisir aux Américains quand ils souhaitaient que les Européens « s’occupent eux-mêmes de mettre de l’ordre dans leur jardin ».
Pour le reste, Londres aura habilement contrecarré, au grand dam de Paris, tous les projets de développement d’armement qui auraient pu être concrétisés. La contribution britannique aux opérations et missions de l’Union aura été minimale, et l’Agence européenne de défense a longtemps vécu avec un budget réduit en raison d’un blocage délibéré.
Autre évidence : à l’exception du bref intermède de Saint-Malo, le Royaume-Uni n’a, en réalité, jamais imaginé que ses capacités – considérables puisqu’elles sont celles de la deuxième armée européenne – puissent un jour être mises à la disposition de ses (ex-) partenaires. Parce qu’il n’y avait aucune volonté politique qu’il en soit ainsi et parce qu’aucune décision n’aurait pu être prise sans l’aval des Etats-Unis. « La construction de l’armée britannique est intégrée à celle de l’armée américaine », relevait, en 2019, Me Mauro, dans une étude de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
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