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Boualem Sansal, Felwine Sarr, Tahar Ben Jelloun, Hubert Haddad, Théo Ananissoh, Parker Bilal, Ondjaki, Gaston-Paul Effa, Blaise Ndala, Annie Lulu… La rentrée hivernale 2021 est riche en littérature africaine, entre romans, nouvelles, récits ou polars. Certains auteurs sont attendus, d’autres peu voire pas du tout connus du grand public. Le Monde Afrique a sélectionné six ouvrages pour bien débuter l’année.
Mémoire et paix
C’est un roman foisonnant qui mêle les époques, les histoires, petites et grandes, les destins sacrifiés et les espoirs d’un renouveau. D’une faconde faussement classique, Dans le ventre du Congo de Blaise Ndala emporte le lecteur sur les traces de Tshala, princesse kuba qui fut exposée en 1958 dans le village congolais de l’exposition universelle de Bruxelles, avant de disparaître mystérieusement. Un demi-siècle plus tard, sa nièce Nyota part à sa recherche et remonte le long fil d’une histoire belgo-congolaise baignée de sang.
L’occasion pour le romancier congolais de faire œuvre de mémoire et de sortir de l’oubli des civilisations et des mœurs aujourd’hui disparus, mais dont les traces subsistent au cœur des musées européens, là où sont conservés œuvres d’art et crânes de Congolais tués par le colonisateur.
Interrogeant les réminiscences de ce passé douloureux, Blaise Ndala parvient à éviter l’écueil du manichéisme en brossant des personnages complexes. Surtout, il offre une sépulture digne à ces âmes résistantes et dessine une possible réconciliation belgo-congolaise.
Dans le ventre du Congo, de Blaise Ndala (éd. Seuil, 368 pages, 20 euros).
Fable angolaise
GrandMèreDixNeuf et le secret du Soviétique n’a peut-être pas le souffle épique des Transparents, l’ouvrage phare de l’écrivain angolais Ondjaki – Ndalu de Almeida de son vrai nom –, mais il en a conservé l’ironie mordante, le réalisme magique et la force poétique.
L’histoire se déroule dans une banlieue pauvre de Luanda vouée à la destruction pour permettre l’édification du futur mausolée du père de la révolution angolaise, Agostinho Neto, par des coopérants russes. Des enfants cherchent à contrecarrer les projets de modernisation du quartier et veulent dynamiter le monument. A leurs côtés veille GrandMèreAgnette, qui doit être amputée d’un orteil, ce qui lui vaudra le surnom de GrandMèreDixNeuf.
Au cœur de cette fresque pleine d’humour, on croise un médecin cubain baptisé TocToc, le camarade VendeurD’Essence qui « ne vend que de l’eau salée avec quelques vapeurs d’essence », le fou EcumeDeMer, GrandMèreCatarina pour qui « l’avenir est rempli de choses difficiles qui se produisent de façon différente à chaque fois et […] préfère deviner le passé », le Camarade Botardov qui tire un câble du mausolée jusqu’à la maison de GrandMèreDixNeuf pour la fournir en électricité… Un roman joyeux et mélancolique à la fois.
GrandMèreDixNeuf et le secret du Soviétique, d’Ondjaki, traduction de Danielle Schramm (éd. Métailié, 192 pages, 17,60 euros).
Le fabuleux destin de Mado
La vie de Mado a tout d’un roman. Née au Cameroun, en 1936, d’un père suédois et d’une mère camerounaise, elle est rapidement confiée à une famille de colons français, qui l’envoie faire ses études en France. La jeune métisse y grandit isolée, quasiment sans nouvelles des siens, et confrontée aux regards et aux non-dits d’une France coloniale. Puis elle épouse le beau Marcel Pétrasch et se met à fréquenter les artistes séduits par la petite ville de Céret, dans les Pyrénées-Orientales, où le couple s’est installé : Chagall, Dalí, Masson, Haviland… et un Picasso troublé par ses pas de danse et son déhanché.
A partir des différents témoignages qu’il a pu recueillir, le romancier camerounais Eugène Ebodé retrace le destin peu commun de Mado. Malgré quelques longueurs, Brûlant était le regard de Picasso parvient à mêler subtilement petite et grande histoire. Au fil du récit sont évoqués la colonisation, les luttes pour l’indépendance du Cameroun, le rôle de l’Afrique lors la seconde guerre mondiale, le premier Congrès des écrivains et artistes noirs de 1956 à Paris… Le tout à hauteur d’hommes et de femmes – d’une femme surtout, lumineuse, malgré tout.
Brûlant était le regard de Picasso, d’Eugène Ebodé (éd. Gallimard, 256 pages, 20 euros).
Sous le brouillard de Londres
Londres, au petit matin. Juste avant l’arrivée des travailleurs clandestins, le gardien kurde du chantier d’un projet immobilier de luxe face à la Tamise découvre deux corps ensevelis sous une montagne de pierres. Très vite, les enquêteurs s’orientent vers le scénario d’une lapidation et le sergent Khalil Drake se tourne du côté de la cité de Freestone où la mosquée, une ancienne synagogue, a été ravagée par un incendie criminel.
Inaugurant la nouvelle série policière du romancier anglo-soudanais Parker Bilal – Jamal Mahjoub de son vrai nom –, Les Divinités évoque une Angleterre aux prises avec la menace islamiste et les tensions multiraciales et religieuses. Comme toujours avec cet auteur, la politique est là, en arrière-plan. Il est question d’immigration, de repli identitaire, de la guerre en Irak, en Afghanistan, de l’engagement britannique et des exactions qu’ont pu commettre les soldats de la couronne.
Pour autant, ces considérations n’étouffent pas l’intrigue mais servent au contraire à lui donner de l’épaisseur et à multiplier les pistes. L’affaire pourrait bien être plus compliquée qu’elle n’y paraît. Un polar efficace.
Les Divinités, de Parker Bilal, traduction de Philippe Loubat-Delranc (éd. Gallimard, 464 pages, 22 euros, à paraître le 11 février).
Sombre époque
Un homme qui tente de faire « descendre le Degré de Noirceur » de son apparence alors qu’un Blanc vient de décapiter cinq enfants noirs, un vendeur face à des clients sombrant dans la folie des achats frénétiques du Black Friday, un jeune père hanté par l’avortement de sa compagne, un parc d’attraction qui exploite le racisme de ses clients…
Les nouvelles de Nana Kwame Adjei-Brenyah, Américain né de parents ghanéens, sont glaçantes. Qu’elles mêlent le fantastique à la satire, la dystopie au réalisme social, elles dépeignent une société américaine en proie à la violence : racisme, suicide au travail, injonctions au bien-être et à la consommation. Un coup de maître pour un premier livre à l’écriture alerte et à l’inventivité féroce. Difficile d’en sortir indemne.
Friday Black, de Nana Kwame Adjei-Brenyah, traduction de Stéphane Roques (éd. Albin Michel, 272 pages, 21,90 euros).
Mission séduction
A Lomé, Maxwell, jeune « démarcheur » dans l’immobilier, se voit proposer un étrange marché par M. Adodo, un riche Togolais revenu de Suisse : séduire la petite amie de ce dernier en échange d’une rente substantielle – une mission sur laquelle il devra rendre des comptes régulièrement. L’homme a l’air honnête, la fille est sublime, la proposition alléchante… Trop beau pour être vrai ?
Dans Perdre le corps, son septième roman, Théo Ananissoh questionne les notions de confiance, de loyauté et d’amour dans un pays où, à en croire l’auteur, ces valeurs font cruellement défaut. « La possibilité de l’amour, c’est la possibilité d’un pays », écrit M. Adodo à Maxwell. Nous transportant des plages de l’océan jusqu’aux régions reculées du nord du pays, l’écrivain poursuit ainsi la réflexion entamée dans son précédent livre, Delikatessen, sur ce qui manque au Togo pour faire véritablement nation.
Perdre le corps, de Théo Ananissoh (éd. Gallimard, 280 pages, 20 euros).
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