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« On dormait mal. Depuis la semaine dernière, on ne dort plus » : en Colombie, la paix n’a pas fait cesser les massacres

Des proches de Jacobo Alberto Perez, un des 5 jeunes assassinés par des hommes armés non-identifiés, se recueillent sur son cercueil à Buga (Colombie), le 25 janvier 2021. Des proches de Jacobo Alberto Perez, un des 5 jeunes assassinés par des hommes armés non-identifiés, se recueillent sur son cercueil à Buga (Colombie), le 25 janvier 2021.

Sur l’application WhatsApp, les messages signés des Aigles Noirs sont arrivés le 18 janvier : « Nous allons exterminer les vermines qui vivent dans cette communauté. » Au total, seize personnes sont nommément menacées. En quelques heures, la peur a repris ses droits à El Salado et dans toute la région dite des « Montes de Maria », dans le nord de la Colombie.

Il y a vingt et un ans, en février 2000, ce village écrasé de soleil à trois heures de route de la ville très touristique de Carthagène des Indes était victime du plus grand massacre commis en Colombie par les milices paramilitaires. Pendant trois jours, les hommes armés installés sur le terrain de foot du village ont violé, torturé, empalé, éventré, décapité, sans que la force publique n’intervienne. Soixante-six paysans ont été tués parce que les paramilitaires les soupçonnaient de complicité avec la guérilla. Le chiffre des disparus reste incertain. « Un carnaval de sang et de mort », dit le rapport élaboré par le Centre national de mémoire historique.

« A l’époque aussi, on avait d’abord reçu des menaces », rappelle Maria. Survivante du massacre, aujourd’hui âgée de 49 ans, elle préfère ne pas donner son nom. « Un massacre ne s’oublie jamais, continue Maria. On dormait mal. Depuis la semaine dernière, on ne dort plus. »

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Officiellement, les milices paramilitaires se sont démobilisées en 2006. Dix ans plus tard, l’accord de paix signé avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a mis fin à cinquante ans de conflit armé. Douze mille guérilleros ont déposé les armes. Mais dans ce pays rural où sévissent mafias, milices et élites corrompues, la violence perdure. Les assassinats ciblés sont presque quotidiens, les massacres fréquents.

Selon l’ONG Indepaz, 91 massacres ont été perpétrés en 2020, dont quatre dans le département de Bolivar, où se trouve El Salado. Indepaz définit le massacre comme « l’homicide collectif et intentionnel de trois personnes ou plus incapables de se défendre ». Le président Ivan Duque conteste cette notion et considère qu’il n’y a que des « homicides collectifs ». En 2020, 381 personnes en ont été victimes.

Masures en ruines

Entre la cordillère des Andes et la mer, la région des « Montes de Maria », théâtre de luttes paysannes historiques, a acquis une valeur stratégique pour les cultivateurs de tabac puis d’huile de palme, les spéculateurs fonciers et les trafiquants d’or ou de drogue. La terre et le contrôle territorial sont les nerfs de la violence colombienne.

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