Deux jours après le coup d’Etat de l’armée birmane, condamné par de nombreuses capitales étrangères, les premiers signes de résistance émergent. Mercredi 3 février, les appels à la désobéissance civile se sont multipliés, émanant notamment de médecins et de travailleurs du secteur de la santé.
Lundi, l’armée avait mis brutalement fin à la fragile transition démocratique du pays, en instaurant l’état d’urgence pour un an et en arrêtant la chef de facto du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi, ainsi que d’autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Pressentant les événements, cette dernière avait exhorté lundi la population à « ne pas accepter » le coup d’Etat dans une lettre écrite avant son arrestation. Ce à quoi l’armée a répondu en mettant en garde contre tout discours ou message qui pourrait « encourager des émeutes ou une situation instable ».
Les médecins en première ligne de la contestation
Mardi soir, dans le quartier commerçant de Rangoun, la capitale économique, des habitants ont klaxonné, tapé sur des casseroles, certains scandant « Vive Mère Suu ! » (Aung San Suu Kyi).
En première ligne de la contestation figurent les médecins et les professionnels de santé. Ceux-ci, portant des rubans rouges en signe de protestation, ont annoncé refuser tout travail, sauf en cas d’urgence médicale. « Nous obéirons uniquement au gouvernement élu démocratiquement », a déclaré à l’Agence France-Presse Aung San Min, responsable d’un hôpital de cent lits dans la région de Magway (centre). Des membres du personnel médical de l’hôpital général de Rangoun se sont réunis devant l’établissement, faisant le salut à trois doigts, un geste de résistance déjà adopté par les militants prodémocratie à Hong Kong et en Thaïlande.
Un groupe nommé « Le mouvement de désobéissance civile » a aussi été lancé sur Facebook et comptait déjà quelque 150 000 abonnés. « Honte à l’armée », « les militaires sont des voleurs », pouvait-on lire sur cette page.
Condamnations à l’étranger
Le coup d’Etat – « inévitable » selon le général Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs à la tête d’un cabinet composé de généraux – a déclenché un concert de condamnations à l’étranger.
L’administration du président des Etats-Unis, Joe Biden, a haussé le ton mardi contre la Birmanie, annonçant de nouvelles sanctions, parmi lesquelles le blocage de l’aide directe de Washington à l’Etat birman. L’Union européenne devrait également « envisager » de nouvelles sanctions contre les militaires birmans « pour marquer à la fois [son] soutien au processus démocratique et [sa] volonté de ne pas laisser ce pays dériver dans la dictature militaire », a déclaré mercredi le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, sur Europe 1.
Mais ces actes restent principalement symboliques : l’armée birmane est déjà sous le coup de sanctions depuis les exactions menées par ses soldats en 2017 contre la minorité musulmane rohingya, une crise qui vaut à la Birmanie d’être accusée de « génocide » par des enquêteurs de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en urgence et à huis clos, mardi, mais ses membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un texte commun. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous le couvert de l’anonymat. Pour être adoptée, cette déclaration commune nécessite le soutien de la Chine, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Or, Pékin reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies. Lors de la crise des Rohingya, la Chine avait contrecarré toute initiative au Conseil de sécurité, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.
Les ministres des affaires étrangères du G7 se sont dits « profondément préoccupés » par les événements, tout comme le Fonds monétaire international (FMI), « très soucieux » de leur potentiel impact sur l’économie du pays. L’institution monétaire avait envoyé le mois dernier 350 millions de dollars d’aide d’urgence à la Birmanie, frappée de plein fouet par la pandémie de Covid-19 (plus de 140 000 cas officiellement recensés et 3 100 décès).
Aung San Suu Kyi inculpée
La LND a appelé sur Facebook à la « libération » immédiate d’Aung San Suu Kyi, 75 ans, et de ses autres responsables, dénonçant une « tache dans l’histoire de l’Etat ». L’armée doit « reconnaître le résultat » des élections de novembre, a ajouté le parti qui était au pouvoir depuis les législatives de 2015. L’armée a promis la tenue de nouvelles élections, une fois que l’état d’urgence d’un an serait levé.
Des parlementaires retenus depuis lundi dans une résidence qui leur est réservée dans la capitale ont été autorisés à rentrer chez eux et certains commençaient à quitter les lieux.
Aung San Suu Kyi a, quant à elle, été inculpée par les nouvelles autorités birmanes. Un tribunal « a ordonné sa détention provisoire pour une période de quatorze jours, du 1er au 15 février, l’accusant d’avoir violé une loi sur les importations-exportations », a écrit sur Facebook Kyi Toe, porte-parole de la LND, ajoutant que l’ex-président Win Myint a été, lui, inculpé pour avoir violé la loi sur la gestion des catastrophes naturelles.
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