Une colère aussi profonde que discrète secoue le ministère français des affaires étrangères. Depuis l’annonce de la disparition de deux corps historiques, les diplomates ont compris qu’il leur serait impossible de faire plier Emmanuel Macron, soucieux, avant la prochaine élection présidentielle, d’avancer dans le chantier de la refonte de la haute fonction publique. Ils restent cependant très remontés à l’encontre de dispositions imposées en dépit du refus initial de leur ministre, Jean-Yves Le Drian. « La réforme cause une blessure profonde chez les agents du ministère et de fortes inquiétudes », juge Olivier Da Silva, un permanent de la CFDT du Quai d’Orsay, très engagé contre le projet.
La fronde a commencé à monter courant octobre quand le sujet s’est précisé. La mesure concerne en effet deux corps au cœur des rouages de la diplomatie française : celui des conseillers des affaires étrangères et celui des ministres plénipotentiaires, « mis en extinction » à partir de 2023. Ces hauts fonctionnaires auront alors vocation à rejoindre un nouveau « corps des administrateurs de l’Etat », où seront rassemblés les cadres jusqu’ici formés par l’Ecole nationale d’administration (ENA), elle-même remplacée par l’Institut national de la fonction publique, à partir de janvier 2022.
Dans ce futur vivier de personnels, les diplomates côtoieront des préfets, des sous-préfets ou des inspecteurs généraux des finances. Au total, quelque 800 hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères sont concernés, sur 1 800 cadres de catégorie A. Ces personnels sont, à ce jour, soit issus de l’ENA, soit, le plus souvent, recrutés par le biais du très sélectif concours d’Orient. Ils pourront rester dans leur ancien corps « en extinction », mais seront incités à basculer dans le nouvel ensemble interministériel, sans grande visibilité, craignent-ils dans les deux cas, sur la suite de leur carrière. Une évolution qui passe mal auprès des intéressés.
Risque d’une perte d’expertise
« Il est faux de penser que tous ces personnels peuvent être interchangeables. On ne naît pas diplomate, on le devient sur le terrain en se confrontant aux Russes, aux Américains, ou aux Chinois, au fil des années et des postes », dénonce une jeune recrue, signataire en novembre d’une rare tribune de protestation contre la réforme. Cent cinquante personnes ont paraphé le texte, publié par Le Monde, sous le pseudonyme collectif de la première diplomate professionnelle française, Suzanne Borel (1904-1995). « Quand on s’engage pour devenir diplomate, c’est pour aller travailler à l’étranger, ce n’est pas pour se retrouver un jour aux ministères des finances ou de l’intérieur », renchérit un autre.
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