Un train de marchandise émerge lentement de la tempête de sable pour y disparaître de nouveau, continuant sa course vers la frontière afghane. « Ici, on appelle ça l’afganiets [l’“Afghan”], un vent du sud chargé de poussière », explique, dans un russe approximatif Bakhodir, un chauffeur de taxi qui se tourne les pouces non loin d’un poste de contrôle ouzbek. La visibilité est réduite à moins de cent mètres. Casqués et armés comme des troupes d’assaut, les gardes-frontières ordonnent de s’éloigner à quiconque s’approche du point de passage. « Avant, les talibans tenaient déjà l’autre côté, mais nos gardes étaient relax et vêtus comme d’habitude », commente le chauffeur, morose, car le client se fait rare : « Les Afghans peuvent passer, mais nous, impossible ! »
Seuls les conducteurs de poids lourds et une poignée d’hommes d’affaires afghans disposant de visas ouzbeks peuvent aujourd’hui passer d’un côté à l’autre. La plupart des membres de la communauté afghane de Termez, une ville située à seulement 10 km de la frontière, ont de toute façon renoncé à retourner dans leur patrie. « Je serai immédiatement exécuté si je rentre », croit savoir un entrepreneur installé ici depuis les années 1990, qui préfère taire son nom. « Je n’ai pas de passeport ouzbek, alors je me fais tout petit. Les Ouzbeks ne vont pas nous aider, ils ne suivent que leurs intérêts. »
Ne pas froisser les talibans
La communauté afghane compte environ deux mille personnes, pour la plupart installées dans la région de Termez, depuis une, voire deux décennies. L’Ouzbékistan n’a accueilli – temporairement – qu’une petite centaine de réfugiés afghans, dont le statut reste très précaire. Les dizaines de pilotes et de militaires afghans qui ont fui en août les talibans à bord d’avions ou d’hélicoptères de l’armée ont tous été « évacués vers le Qatar », affirme un employé du consulat afghan de Termez. « Leurs appareils sont restés en Ouzbékistan, mais nous n’avons pas d’information exacte, Tachkent veut garder ça secret », poursuit-il.
Il s’agit de ne pas froisser les talibans, avec qui l’Ouzbékistan entretient des contacts étroits. C’est l’un des cinq pays au monde à n’avoir jamais fermé son ambassade à Kaboul, même s’il hésite encore à reconnaître le nouveau gouvernement. « Nous attendons le feu vert de certains membres du conseil de sécurité de l’ONU », glisse une source diplomatique ouzbèke au Monde, faisant référence à la Chine et à la Russie.
Un diplomate afghan en poste en Ouzbékistan se plaint, lui, de « pressions » pour faire déguerpir le personnel diplomatique fidèle à l’ancien gouvernement afghan. « Si Tachkent reconnaît le gouvernement taliban, il y a de grandes chances que nous soyons expulsés vers l’Afghanistan, s’inquiète-t-il. En attendant, nous cherchons asile dans un pays tiers, mais aucune porte ne s’ouvre. Nous sommes en plein brouillard. »
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