Le procès du 11-Septembre reprend, mais son issue semble encore bien lointaine alors que l’Amérique s’apprête à se recueillir, vingt ans après les attaques. Le cerveau présumé des attentats, Khaled Sheikh Mohammed, est jugé à partir de mardi 7 septembre, aux côtés de quatre accusés.
La procédure lancée contre les cinq hommes accusés d’avoir participé à la planification des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis a avancé à une lenteur extrême devant les commissions militaires de Guantanamo, à Cuba, depuis l’annonce des accusations initiales, en février 2008. L’affaire a été retirée puis réintroduite, alors que la première audience a eu lieu le 5 mai 2012. Depuis, des dizaines d’audiences ont eu lieu, toutes préliminaires.
Les cinq hommes, emprisonnés depuis quinze ans dans la prison de la base navale américaine de Guantanamo, n’avaient plus comparu depuis le début de l’année 2019, avant que la pandémie de Covid-19 mette la procédure à l’arrêt.
Un procès qui pourrait ne jamais terminer
Le procès, qui relève d’une justice militaire d’exception, devrait reprendre comme il s’est arrêté, avec une défense invoquant des actes de torture lorsque les accusés étaient aux mains de la CIA, dans le but de faire invalider la plupart des preuves avancées par les autorités américaines. La procédure est menée par un nouveau magistrat militaire, le colonel Matthew McCall, qui est le huitième à s’en emparer.
Le haut gradé a fait comprendre qu’il ne se précipiterait pas, en décidant que l’audience mardi serait consacrée à ses propres qualifications. Il entend passer le reste de la semaine essentiellement à mener des réunions avec l’accusation et la défense. Au vu des très nombreux recours déposés par les avocats de la défense pour obtenir des pièces, il pourrait s’écouler encore des mois, voire plus d’un an, avant que le procès n’entre dans sa phase décisive.
L’un des avocats de la défense, James Connell, a même assuré qu’il ne « sa[vait] pas » si ce procès irait un jour jusqu’à son terme.
La défense fait valoir que les cinq accusés – Khaled Sheikh Mohammed, Ammar Al-Baluchi, Walid Bin Attash, Ramzi Bin Al-Shibh, Mustafa Ahmed Al-Hawsawi – portent encore les séquelles des tortures infligées par la CIA, pendant leur détention dans les prisons secrètes de l’agence de renseignement entre 2002 et 2006. Sans compter, selon leurs avocats, l’effet de quinze années d’emprisonnement dans des conditions de grand isolement.
La peine de mort encourue
Les cinq hommes, accusés de « meurtre » et d’« actes terroristes », comparaîtront dans une salle d’audience placée sous haute sécurité, entourée de grillages avec barbelés. Ils risquent la peine de mort. Face à eux, des familles des 2 976 personnes dont la mort leur est imputée, et des journalistes. La reprise du procès trouve une répercussion toute particulière, dans le contexte des commémorations des attaques qui, vingt ans auparavant, ont endeuillé les Etats-Unis.
Khaled Sheikh Mohammed est considéré comme le cerveau du 11-Septembre. Pakistanais élevé au Koweït, le quinquagénaire aurait suggéré l’idée de faire s’écraser des avions au chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, en 1996. Il a été capturé à Rawalpindi, au Pakistan, en mars 2003. Il a alors été emmené par la CIA sur des « sites noirs » en Afghanistan, puis en Pologne, pour y être interrogé. Il a notamment été soumis 183 fois au waterboarding (simulacre de noyade) en quatre semaines.
En septembre 2006, il a été envoyé à Guantanamo. Un an plus tard, il a déclaré, lors d’une audience à huis clos, qu’il était responsable non seulement des attentats du 11-Septembre, mais aussi des attentats liés à Al-Qaida à Bali et au Kenya ainsi que du meurtre du journaliste américain Daniel Pearl. S’agissant de ses complices, ils sont soupçonnés d’avoir planifié et coordonné les attaques. Tous ont subi des actes de tortures de la CIA.
Des documents confidentiels réclamés par la défense
Pour l’accusation, même si les interrogatoires de la CIA devaient être invalidés, la condamnation des cinq hommes ne fait aucun doute. Les procureurs assurent que les accusés ont fourni des preuves solides pendant les interrogatoires menés cette fois par le FBI, la police fédérale, en 2007 après leur arrivée à Guantanamo.
Argument non crédible, selon la défense, pour qui le FBI a participé aux actes de torture de la CIA et usé, lui aussi, de techniques d’intimidation. « N’ayez aucune illusion, ces hommes ont été emmenés à Guatanamo pour couvrir des actes de torture [plutôt que d’être présentés à la justice américaine ordinaire] », a commenté James Connell, qui défend Ammar Al-Baluchi.
La défense réclame des quantités considérables de documents confidentiels que le gouvernement refuse toujours de fournir, concernant tant le programme de torture que les conditions de détention à Guantanamo ou encore la santé des accusés. Elle souhaite aussi entendre des dizaines de témoins supplémentaires, en plus des douze ayant déjà défilé devant la juridiction militaire, notamment deux hommes ayant supervisé le programme d’interrogatoires de la CIA.
Alka Pradhan, une autre avocate de la défense, rejette la responsabilité de la longueur des délais sur le gouvernement américain, rappelant qu’il a fallu six ans pour admettre que le FBI avait participé au programme de torture de la CIA. « Cette affaire vous épuise, a-t-elle dit. Ils retiennent des pièces qu’il serait normal de partager dans une procédure [ordinaire]. »
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