« C’est la première fois que je fais ma rentrée en n’ayant pas fini ma moisson »: comme le président des chambres d’agriculture Sébastien Windsor, de nombreux céréaliers français ont affronté un été pluvieux, provoquant moissons à rallonge et mauvais rendements, en quantité et en qualité.
M. Windsor, lui-même céréalier en Seine-Maritime, a affirmé avoir récolté à peine la moitié de ses blés, lors de la conférence de presse de rentrée des Chambres d’Agriculture cette semaine à Paris.
En cause, les multiples épisodes de pluies qui ont grevé les rendements alors qu’au début de l’été, les spécialistes s’attendaient à une moisson digne des meilleurs crus.
La production française de blé tendre (qui sert à faire le pain, à la différence du blé dur qui sert pour les pâtes, NDR) devait faire un bond de 27,1% en 2021, à 37,1 millions de tonnes, selon des chiffres publiés début juillet par le ministère de l’Agriculture.
Au final, elle devrait avoisiner les 35 Mt selon un sondage réalisé par Agritel auprès d’un panel d’opérateurs de la filière. « Les intempéries à répétition pendant l’été ont pénalisé le bon remplissage des grains et en ont dégradé la qualité » explique Michel Portier, directeur général du cabinet Agritel, qui a évoqué « une vraie déconvenue ».
(AFP/Archives – JOEL SAGET)
Résultat, des blés pas aux normes pour la meunerie et de mauvaises surprises: « un camion parti de mon exploitation a été vendu 235 euros la tonne. La décote a été de 30 euros la tonne » à son arrivée au port de Rouen, explique Christophe Hillairet, céréalier dans les Yvelines. Son blé, initialement destiné à la meunerie, a finalement été déclassé en blé fourrager pour l’élevage.
Ces problèmes de qualité viennent tendre un peu plus les disponibilités en blé meunier, dont les cours, malgré une légère accalmie ces derniers jours, avoisinent encore les 250 euros la tonne sur le marché à terme, des niveaux plus connus depuis huit ans.
« Les perspectives de stocks chez les grands exportateurs s’annoncent comme les plus tendues depuis la campagne 2007/2008 lorsqu’ont eu lieu les premières émeutes de la faim » liées à la crise financière internationale, s’inquiète Agritel.
– Craintes pour la rentabilité des élevages –
Autre inquiétude en France, la flambée des cours des céréales, qui touche également le maïs et le colza, risque de nuire encore un peu plus à la rentabilité des fermes d’élevage.
« L’alimentation des animaux va coûter plus cher, (…) l’agriculteur ne peut pas assumer seul ces augmentations, donc l’industriel doit jouer le jeu, le distributeur aussi », a prévenu cette semaine la présidente de la FNSEA Christiane Lambert, sur le plateau de BFM Business.
(AFP/Archives – JOEL SAGET)
« L’indice IPAA, qui est l’indice moyen du panier des matières premières utilisées en alimentation animale (porcs, ruminants, volailles) est aujourd’hui autour de 130. Il y a un an, on était à 100. Cet indice a pris 30 points », a déclaré à l’AFP Stéphane Radet, directeur général du Snia, qui regroupe les fabricants d’aliment du bétail. Il affirme n’avoir « pas connu de situation comme celle-ci lors des dix dernières années ».
« Une partie » des hausses subies par l’industrie de la volaille « a pu être répercutée auprès des distributeurs en France », a indiqué à l’AFP Paul Lopez, président de la fédération des industries avicoles (FIA), qui décrit toutefois « une deuxième étape monumentale dans l’explosion des matières premières depuis maintenant quelques semaines ».
Dans le secteur de la viande bovine, certains agriculteurs installés en polyculture-élevage, pourraient vendre une partie de leur récolte de maïs à venir et diminuer leur production de viande, craint Cédric Mandin, éleveur de 220 vaches charolaises en Vendée.
« Quand ils ont du maïs ou du blé, c’est plus facile de le vendre et d’avoir un bon prix à l’heure actuelle plutôt que de le +transformer+ en viande », déclare-t-il à l’AFP.
Seul motif de réjouissance pour les éleveurs, l’herbe a bien poussé sous la pluie: « On a de quoi faire manger les animaux dehors, ce qui est très différent d’une année de sécheresse où on a un mois où on ne sait plus quoi donner aux animaux », indique Christine Valentin, éleveuse laitière en Lozère et première vice-présidente des chambres.
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