La campagne officielle aura été courte – deux semaines à peine – mais tendue. La voix éraillée, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a battu le rappel une dernière fois devant 20 000 partisans réunis jeudi 17 juin à Erevan, trois jours avant les élections législatives anticipées. « Les derniers mois ont été un enfer pour nous tous. Maintenant, il faut voter ! L’avenir est devant nous ! » La foule applaudit et reprend en chœur le slogan officiel du parti Contrat civil : « L’avenir est devant nous ! »
La dernière fois que les Arméniens sont allés voter aux législatives, c’était en 2018. L’heure était à l’euphorie : la « révolution de velours », portée par Nikol Pachinian – alors simple député de l’opposition –, avait chassé le régime post-soviétique corrompu qui accaparait le pouvoir depuis trente ans. Trois ans plus tard, le contexte a radicalement changé. Le pays est sous le choc après sa défaite humiliante face à l’Azerbaïdjan dans la guerre au Haut-Karabakh, scellée par le cessez-le-feu du 9 novembre 2020, rédigé sous l’égide de Moscou.
Plus de 3 500 soldats arméniens sont morts, d’importants territoires ont été perdus, des milliers de personnes ont été déplacées et des dizaines de prisonniers de guerre sont encore aux mains de Bakou. En outre, des centaines de soldats azerbaïdjanais entrés le 12 mai sur le territoire arménien – à 3 km au-delà de la frontière, selon Erevan – refusent de repartir, faisant craindre un nouvel embrasement.
Accusé par l’opposition d’être un « traître » et sommé de démissionner après la défaite, Nikol Pachinian s’est résolu, sous la pression, à remettre son mandat en jeu en organisant des élections législatives anticipées. Le scrutin, qui se tient dimanche 20 juin, est censé permettre de sortir de la crise politique.
« Choix entre passé et futur »
Pour la première fois, le premier ministre aura face à lui pas moins de trois anciens présidents : Levon Ter-Petrossian, Serge Sarkissian et Robert Kotcharian, âgés de 66 à 76 ans. « C’est le Jurassic Park de la politique arménienne », observe Richard Giragosian, directeur du centre de réflexion Regional Studies Center. Leur présence donne lieu à une bataille de générations : celle issue de l’Arménie soviétique, dont ils sont les représentants, contre celle de Nikol Pachinian, 46 ans, qui a peu connu l’URSS.
« C’est un choix entre le passé et le futur, car cette opposition est largement représentative de l’ancien système corrompu », ajoute M. Giragosian. Ce retour de la vieille garde passe mal auprès d’une partie des électeurs. « Ils ont eu le pouvoir, sont devenus riches grâce à la corruption et n’ont rien fait pour le pays. Et maintenant ils reviennent pour quoi ? Devenir encore plus riches ? », s’agace Marine Gasparian, 81 ans, qui avait participé à la « révolution de velours » justement pour « se débarrasser des anciens ».
Il vous reste 53.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article En Arménie, Nikol Pachinian face à l’ancienne garde pour les législatives anticipées est apparu en premier sur zimo news.