La Cour de justice européenne, saisie par un juge espagnol, va devoir s’exprimer sur la Super League et le monopole de l’UEFA sur les compétitions de football sur le continent. La réponse aura un « impact massif », selon une chercheuse.
La bataille judiciaire est vraiment lancée. Saisie par un juge espagnol du tribunal de commerce de Madrid à propos de la Super League, la Cour de justice européenne (CJUE) pourrait changer la face du football en Europe en statuant à cette question: l’UEFA peut-elle menacer et sanctionner les membres de ce projet controversé? Si des accords ont déjà été passés avec les neuf clubs qui se sont retirés, le Real Madrid, le FC Barcelone et la Juventus, qui s’entêtent, sont désormais dans le viseur d’une enquête disciplinaire.
La réponse sera cruciale pour le monde du ballon rond, car elle ne portera pas seulement sur la Super League mais sur la possibilité que d’éventuels futurs projets dissidents puissent exister ou non. Katarina Pijetlovic, chercheuse en droit du sport à l’Université de Manchester et spécialiste des ligues fermées, explique dans un tweet: « Le jugement aura un impact massif sur la clarification conceptuelle et l’approbation future des ligues alternatives. Cela devra confirmer [ou non] que l’UEFA a le droit de réglementer l’accès au marché organisationnel par des restrictions proportionnées dans l’intérêt public. »
L’arrêt Bosman, c’était déjà la justice européenne
Si la justice européenne finit par dire que l’UEFA ne peut pas continuer à exercer un monopole sur le football européen, une brèche énorme s’ouvrirait sans doute. Les conséquences seraient tout aussi grandes.
L’hypothèse n’est pas à exclure. La CJUE a déjà révolutionné le football par le passé, avec le fameux arrêt Bosman de décembre 1995. La jurisprudence avait fait sauter les limites de nombre de footballeurs étrangers (provenant d’un pays de l’UE) dans une équipe ou une compétition. Quelques années plus tard, l’arrêt Malaja enfonçait le clou. Il étendait la levée des quotas aux ressortissants d’autres pays ayant des accords avec l’UE (comme le Maroc). Ces changements sont considérés, encore aujourd’hui, comme l’acteur majeur de la bascule vers le « football business ».
Le monde politique peut aussi changer la donne
En créant la Super League, les clubs fondateurs avaient annoncé avoir pris leurs précautions sur le terrain de la justice. Peut-être, pour les trois clubs qui y sont encore, espèrent-ils que la CJUE s’appuyent sur un précédent arrêt rendu en décembre 2020. Celui-ci concerne la fédération internationale de patinage, désavouée quand elle avait empêcher des patineurs de vitesse de prendre part aux Jeux olympiques à cause de leur participation à une compétition privée. Mais le dossier n’était pas tout à fait identique, car la tentative d’interdiction ne portait pas sur une compétition organisée par la fédération (mais par le CIO).
Mais les clubs mutins pourraient aussi se voir opposer que leur regroupement serait contraire aux lois anti-cartel. « La Super League vise à distribuer des revenus à ses membres et exclure de cette opportunité commerciale d’autres participants potentiels – donc oui, c’est potentiellement une entente contraire au droit de la concurrence », avait analysé pour l’AFP Antoine Duval, spécialiste de droit européen du sport à l’Institut Asser de La Haye.
D’ici le jugement de la Cour de justice européen, et même après, il n’est pas impossible que le monde politique mette son grain de sel et change la donne. En janvier, un vice-président de la Commission européenne avait pris la parole en sous-entendant un possible amendement des textes. « Nous devons protéger notre modèle sportif européen », avait déclaré Margarítis Schinás. Puis après l’annonce de la création de la Super League, Boris Johnson avait lui aussi brandi l’arme législative. Mais depuis le Brexit, le Premier ministre britannique ne dépend plus de l’Union européenne. Un détail qui complexifie un peu plus ce dossier.
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