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Turquie : Erdogan se dit victime d’« un coup d’Etat politique » fomenté par des militaires à la retraite

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan assiste au grand congrès du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), à Ankara, le 24 mars 2021. Le président turc Recep Tayyip Erdogan assiste au grand congrès du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), à Ankara, le 24 mars 2021.

Dix amiraux turcs à la retraite ont été placés en garde à vue, lundi 5 avril, pour avoir critiqué le projet de contournement du Bosphore voulu par le président Recep Tayyip Erdogan et dénoncé l’islamisation croissante de l’institution militaire. Arrêtés à l’aube à leurs domiciles, les dix prévenus sont considérés comme les organisateurs d’une conspiration « visant à commettre un crime contre la sécurité de l’Etat et l’ordre constitutionnel », selon le parquet d’Ankara.

Parmi eux figure le contre-amiral Cem Gürdeniz, l’auteur de l’ambitieuse doctrine appelée « Patrie bleue », pressentant le contrôle de la Turquie sur de larges pans de la Méditerranée. Quatre autres anciens officiers de la marine, soupçonnés eux aussi d’être parmi les meneurs, n’ont pas été arrêtés en raison de leur grand âge mais, ils devront se présenter à la police dans les trois jours.

En cause, la publication, samedi, d’une déclaration critique du gouvernement signée par 104 amiraux à la retraite, dont les quatorze instigateurs présumés. Une enquête judiciaire a immédiatement été ouverte contre tout le groupe, pour beaucoup des septuagénaires. Le gouvernement crie au putsch. « Tous les putschs ont commencé par une pétition », a rappelé le président Erdogan, qui à cette occasion a réuni lundi les membres de son gouvernement dans son palais de Bestepe à Ankara.

Mise en garde contre la sortie de la convention de Montreux

Dénonçant, de la part des signataires, « des allusions à un coup d’Etat politique », il a joué sur la peur de ce phénomène, récurrent en Turquie. Coup d’Etat en 1960, en 1971, en 1980, sans compter le semi-putsch de 1997 et la tentative de putsch de 2016, qui a fait 250 morts et ouvrit la voie aux purges sans fin et à l’hyperprésidence de M. Erdogan.

En quoi les amiraux à la retraite ont-ils dépassé les bornes ? Leur texte met en garde contre la sortie de la Turquie de la convention de Montreux, le traité international qui réglemente la navigation à travers le détroit du Bosphore et des Dardanelles, entre la mer Méditerranée et la mer Noire. Ce traité, signé en 1936, est âprement débattu depuis que le président Erdogan a mis les bouchées doubles pour réaliser son projet pharaonique, soit l’ouverture à Istanbul, entre la mer Noire et la mer de Marmara, d’un canal artificiel de navigation censé contourner le Bosphore.

Ce chantier, estimé à plus de 25 milliards d’euros, est assorti d’un plan ambitieux de construction d’une ville nouvelle des deux côtés de cette voie d’eau, baptisée « Kanal Istanbul », notamment grâce à des investisseurs venus du Qatar. La semaine dernière, lors de l’approbation du projet par le Parlement, son président, Mustafa Sentop, a déclaré que la Turquie, une fois le canal achevé, ne se sentirait plus liée par la convention de Montreux et que le président Erdogan aurait alors toute liberté d’en sortir.

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