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Shelomo Selinger, rescapé de la Shoah sauvé par la sculpture

Publié le : 27/01/2022 – 19:44

À l’occasion de la Journée internationale en mémoire des victimes de la Shoah, Shelomo Selinger, juif polonais, entré dans l’enfer nazi à l’âge de 14 ans, raconte ce qu’il a vécu à France 24. En quatre années d’horreur, il a connu neuf camps de concentration et deux marches de la mort. Laissé à l’agonie en 1945, il est sauvé par un médecin soviétique. À sa sortie de l’hôpital, il traversera sept ans d’amnésie. C’est par l’art et la sculpture que sa conscience se souvient. 

Chaque jour depuis plus de soixante ans, Shelomo Selinger se rend dans son atelier parisien, habité par d’immenses sculptures. Accompagné par ces silhouettes de granit, l’artiste, aujourd’hui âgé de 93 ans, taille dans la pierre comme dans ses souvenirs.

« Qui a connu les camps de concentration ne s’en libère jamais. Ils sont là, chaque nuit, et avec eux, chaque matin, ceux qui sont morts assassinés à mes côtés, témoins d’une ténèbre absolue et informe à partir de laquelle je sculpte l’espérance », écrit-il dans son livre « Nuit et lumière », paru en 2021 chez Albin Michel.

Le choix du granit, l’une des pierres les plus dures, est venu « en contraste avec la fragilité de l’homme », nous confie-t-il. « Par ces sculptures, je grave une parole de pierre dans le livre des mémoires », poursuit-il.

Au premier étage de son atelier, il nous présente ses grands dessins au fusain dans lesquels rejaillissent les horreurs passées. L’un d’eux témoigne de l’assassinat de son père : « Ils ont introduit un tuyau dans sa bouche et ont ouvert le robinet. Ils l’ont fait éclater de l’intérieur. À partir de ce moment, je suis resté seul dans l’enfer », raconte-t-il.

Un autre dessin décrit la manière dont il a été sauvé, en 1945, par un médecin soviétique. Au mois de mai, l’armée soviétique entre dans le camp de Theresienstadt en Tchécoslovaquie [dans l’actuelle République tchèque]. Shelomo Selinger est laissé à l’agonie sur un tas de cadavres. L’un des soldats, médecin, repère sa respiration et le sauve in extremis. 

« Ma force, c’était un trésor que j’ai porté en moi »

Shelomo sortira de l’hôpital un mois plus tard, mais restera amnésique pendant sept années. L’art est alors un exutoire pour sa mémoire traumatisée : « C’est grâce à l’oubli que j’ai pu me reconstruire, et la sculpture a pris le relais et m’a permis de vivre », explique-t-il au micro de France 24.

Sa mère et sa petite sœur ont été assassinées à Auschwitz. Seule sa sœur aînée a survécu.

Comment lui a-t-il pu survivre ? « Ma force, c’était un trésor que j’ai porté en moi. Ce trésor c’était l’amour de mes parents. C’est ça qui m’a donné la lumière quand il faisait noir et la chaleur quand il faisait froid », répond-il.

Depuis, Shelomo survit avec une blessure devenue lumière, dans ses peintures ou ses sculptures monumentales qui se dressent à La Courneuve, au Luxembourg, au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem ou encore à Drancy [où se tenait un camp d’internement et de transit entre 1941 et 1944].

Dans cette ville, près de 100 000 juifs ont transité avant leur déportation vers les camps de la mort. Au bout de ces rails, un wagon symbolise ce voyage sans retour. Relié à l’ensemble de granit sculpté par Shelomo Selinger, il compose une œuvre mémorielle pour qu’à notre tour, nous ne perdions pas la mémoire.

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