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En Russie, un acharnement judiciaire hors norme contre l’historien du goulag, Iouri Dmitriev

Iouri Dmitriyev, lors d’une audience au tribunal municipal de Petrozavodsk, en Russie, le 27 décembre 2021. PETER KOVALEV / TASS VIA REUTERS

Cinq ans de procédure, déjà. Commencées en décembre 2016, les poursuites judiciaires contre Iouri Dmitriev, 65 ans, ont abouti à une nouvelle condamnation, lundi 27 décembre : quinze ans de détention dans une colonie pénitentiaire à régime sévère, au lieu des treize ans infligés il y a un peu plus d’un an, le 29 septembre 2020. Deux années supplémentaires prononcées par le tribunal de Petrozavodsk, en Carélie, comme une énième vengeance à l’encontre de cet historien spécialiste du goulag, qui dirigeait l’antenne locale de Memorial dans cette région du nord-ouest de la Russie. « Rien à ajouter… », a écrit sur son compte Facebook sa fille aînée, Katerina Klodt, gagnée par l’épuisement.

Le procès « de la honte », comme l’ont nommé les défenseurs des droits humains, est aussi celui d’un acharnement hors norme. Accusé d’avoir pris des images « pornographiques » de sa fille cadette adoptive, photos destinées à l’organisme de protection des enfants chargé de suivre l’évolution de la fillette handicapée – une affaire fabriquée de toutes pièces, n’ont cessé de dénoncer ses nombreux soutiens russes et étrangers –, Iouri Dmitriev a été successivement condamné, acquitté (à deux reprises), puis rejugé. En juillet 2020, la sentence paraissait presque clémente : trois ans et demi de prison. Mais c’était compter sans la cour suprême de Carélie qui a cassé le jugement. Ou le tribunal de Petrozavodsk qui a fini, aujourd’hui, par ajouter les deux années supplémentaires réclamées par le parquet.

Des travaux qui heurtent le discours officiel

Iouri Dmitriev paie en réalité pour son obstination à exhumer les crimes de Staline. Pendant trente ans, cet homme à la silhouette émaciée s’est en effet appliqué à dresser la liste de 40 000 noms de personnes exécutées et déportées pendant la Grande Terreur en Carélie, région frontalière de la Finlande. Il a également découvert le charnier de Sandarmokh où il a identifié plus de 6 000 victimes assassinées. Des travaux qui heurtent de plein fouet le discours officiel sur l’héroïsme et la grandeur de la Russie, « héritière de l’URSS », comme le précise noir sur blanc la nouvelle Constitution adoptée en septembre 2020.

Le pouvoir cherche coûte que coûte à démontrer que les morts du charnier ne seraient pas des victimes des répressions staliniennes mais des soldats de l’Armée rouge abattus par les Finlandais pendant l’occupation de la Carélie. Depuis 2014, une commission interministérielle a de surcroît repoussé l’accès aux archives des services de sécurité, déjà cadenassées pour la période 1917-1991, de trente ans supplémentaires.

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