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En Transnistrie, une élection à l’ombre du conglomérat « Sheriff »

Une femme passe près d’une statue de Lénine, à Tiraspol, en Transnistrie, région séparatiste de la Moldavie, le 31 octobre 2021. DMITRI LOVETSKY / AP

C’est un pli sur la carte de l’Europe. Un recoin oublié qui a refusé l’effondrement de l’empire soviétique en 1991 et sa dissolution dans l’Etat moldave tout juste indépendant.

Dimanche 12 décembre, va s’y tenir l’élection présidentielle la moins suivie du continent. La République de Transnistrie, une bande de territoire moldave longeant la frontière ukrainienne, où vivent 475 000 personnes, va réélire en un tour le président sortant de cette région séparatiste, Vadim Krasnoselsky, 51 ans. Le processus électoral finalisera la mutation d’un régime néosoviétique tourné vers Moscou en un Etat-corporation unique en Europe.

« Je n’irai pas voter dimanche, c’est certain, s’exclame Viktor, 41 ans, dirigeant de société à Tiraspol, capitale de la « PMR », acronyme local de la République transnistrienne de Moldavie. Les élections précédentes étaient ouvertes, mais pas celle-ci. Il n’y a qu’un seul candidat, le président [sortant]. L’autre [Sergueï Pynzar], personne ne le connaît. Comment a-t-il pu réunir les 20 000 signatures nécessaires pour se présenter ? C’est une farce ! » Viktor refuse que son nom de famille soit publié : « La police peut venir fermer ma société du jour au lendemain sous n’importe quel prétexte. »

L’unique rival du président ne s’est en effet pas distingué par ses efforts pour imiter un affrontement de campagne. Sergueï Pynzar n’a pas publié son programme politique. Il n’a organisé aucune rencontre avec les électeurs et reste injoignable pour les journalistes. « Le pouvoir sait qu’il est impopulaire et a, par conséquent, éliminé toute véritable concurrence », déclare au Monde Anatoli Dirun, 44 ans, candidat à l’élection présidentielle écarté pour avoir prétendument rassemblé de fausses signatures de soutien. La commission électorale n’a pourtant apporté aucune preuve de falsification.

Afin de prévenir toute fausse note au moment des résultats, cette même commission a ôté aux électeurs la possibilité de cocher, sur le bulletin de vote, la case « contre tous », qui existait jusqu’ici. Scandalisé, Anatoli Dirun appelle ses électeurs à rayer les noms des deux candidats sur le bulletin de vote.

« Une oligarchie à la place d’un gouvernement »

« Au cours des cinq dernières années, le système politique a été transformé. Nous avons aujourd’hui une oligarchie à la place d’un gouvernement, explique-t-il. La corporation Sheriff a grignoté l’Etat de la PMR à travers le parti Obnovlenie [Renouvellement] ».

Ce dernier contrôle le Parlement et est financé par la société Sheriff, ou plutôt un conglomérat tentaculaire. Sheriff contrôle les médias et possède toutes les entreprises rentables de la région séparatiste : l’unique opérateur Télécom de PMR, les secteurs du BTP et du textile, des hôtels, des banques, les activités vins & spiritueux et, au-delà, une large partie du secteur de l’élevage. Fleuron du groupe : le FC Sheriff, un club de football qui domine le championnat moldave et qui a fait sensation, fin septembre, en remportant un match contre le Real Madrid en Ligue des champions.

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