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Licences de pêche post-Brexit : Londres menace de renforcer les contrôles des bateaux européens

Le chalutier britannique « Cornelis-Gert-Jan », amarré dans le port du Havre le 29 octobre 2021, est soupçonné par la France d’avoir pêché dans ses eaux territoriales sans licence. SARAH MEYSSONNIER / REUTERS

Dans le conflit franco-britannique autour des licences de pêche post-Brexit, Londres brandit à son tour des menaces de représailles. Vendredi, le premier ministre britannique, Boris Johnson, a promis de « défendre les intérêts » du Royaume-Uni avant de rencontrer le président français, Emmanuel Macron, ce week-end.

MM. Macron et Johnson doivent s’entretenir en marge du G20, ce week-end à Rome, a rapporté vendredi Downing Street. Cette rencontre survient alors que les sujets de discorde s’accumulent entre les deux voisins, sur le sujet brûlant de la pêche mais aussi sur l’immigration illégale par la Manche ou les conséquences du Brexit en Irlande du Nord.

La France reproche au Royaume-Uni d’accorder en trop petit nombre des licences de pêche post-Brexit à ses pêcheurs. Elle a promis d’interdire dès mardi aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français et de renforcer les contrôles douaniers de camions, si la situation ne s’améliorait pas d’ici-là.

La tension est encore montée vendredi

Loin de s’apaiser avant la rencontre à Rome, la tension est encore montée, vendredi, avec la menace de Londres de mettre en œuvre des « contrôles rigoureux » sur les bateaux européens frayant dans ses eaux si Paris met effectivement ses menaces à exécution, a annoncé vendredi un porte-parole du gouvernement britannique.

Ce dernier envisage en outre « de lancer une procédure de règlement des contentieux » prévue par l’accord commercial post-Brexit, entré en vigueur au début de l’année. « Nous ferons le nécessaire pour défendre les intérêts britanniques », a déclaré M. Johnson aux journalistes dans l’avion à destination de Rome. « La France est l’un de nos meilleurs, de nos plus vieux, de nos plus proches alliés, amis, partenaires » et « les liens qui nous unissent, qui nous lient, sont bien plus forts que les turbulences actuelles dans notre relation ».

La chef de la diplomatie britannique, Liz Truss, a décidé de faire convoquer l’ambassadrice de France au Royaume-Uni, Catherine Colonna, vendredi. Une démarche rarissime entre pays alliés.

Dans une interview au Financial Times, publiée vendredi soir, M. Macron estime que la « crédibilité » du Royaume-Uni est en jeu dans les différends post-Brexit : « Ne vous y méprenez pas, ça ne concerne pas que les Européens, mais tous leurs partenaires. Car quand vous passez des années à négocier un traité et que, quelques mois plus tard, vous faites l’opposé de ce qui a été décidé sur les aspects qui vous conviennent le moins, ce n’est pas une grande preuve de votre crédibilité. »

L’accord post-Brexit, conclu in extremis à la fin de 2020 entre Londres et Bruxelles, prévoit que les pêcheurs européens puissent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques à certaines conditions. Londres affirme avoir accordé 98 % des demandes de licences de navires de l’UE pour pêcher dans ses eaux, un chiffre contesté par la France, qui parle de 90 %. Dans les zones encore disputées en particulier, Londres et Jersey ont accordé un peu plus de deux cent dix licences définitives, mais Paris en réclame encore plus de deux cents.

« Revenir à la raison »

Sur la BBC, le ministre de l’environnement britannique, George Eustice, a reproché à la France d’adopter un « ton incendiaire » et estimé que l’approche de la présidentielle en France pourrait constituer « un facteur » expliquant la réaction française.

Certains membres de l’UE semblent adopter une attitude prudente face à ce conflit, le gouvernement allemand appelant les deux parties à négocier. Dans ce conflit sur la pêche, « les torts ne sont pas vraiment partagés », « la bonne foi n’est pas du côté britannique », a cependant estimé vendredi sur Franceinfo Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. « Il est temps peut-être que les autorités britanniques reviennent à la raison. »

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L’accord commercial post-Brexit « est clair : les navires qui pêchent dans les eaux traditionnelles doivent être autorisés à continuer », a réagi dans un tweet Thomas Byrne, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes irlandais.

Un capitaine encourt une amende de 75 000 euros

En attendant un éventuel blocus des débarques anglaises dans ses ports mardi, la France a déjà commencé à renforcer les contrôles des navires britanniques. Elle a dérouté mercredi un chalutier britannique soupçonné d’avoir pêché plus de deux tonnes de coquilles Saint-Jacques sans licence. Son capitaine, qui sera jugé en août, encourt une amende de 75 000 euros.

Les mesures de rétorsion envisagées par la France ne font toutefois pas l’unanimité : les mareyeurs français, qui préparent et écoulent les produits de la mer frais, ont mis en garde contre le blocage de l’exportation de produits de la pêche britannique, rappelant que le marché français était aussi dépendant de cette ressource.

Dans le port anglais de Newhaven, dans le sud de l’Angleterre, les pêcheurs britanniques déplorent de faire les frais de la situation. Pour Neil Whitney, patron du About Time, ce conflit autour des licences de pêche dans les eaux britanniques et anglo-normandes est « politique ».

Le Monde avec AFP

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