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« Le diplomate négocie avec tous, y compris avec le “diable” »

Professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Laurence Badel étudie les mutations des pratiques diplomatiques dans les relations internationales. Elle est notamment l’autrice de Diplomaties européennes, XIXe-XXIe siècle (Presses de Sciences Po, 540 pages, 35 euros, à paraître le 4 février).

Quand la diplomatie naît-elle ?

Si l’on adopte la définition traditionnelle, qui fait de la diplomatie l’art de la conduite des relations entre les Etats, et identifie son essor à la sédentarisation des ambassades, on la fait naître en Italie, au milieu du XVe siècle, mais à des rythmes très variables selon les Etats. Si l’on parle de la diplomatie comme d’une activité de représentation, de communication et d’échange, on peut admettre qu’elle a été présente dans toutes les sociétés dès lors que celles-ci ont commencé à interagir.

Le XIXe siècle a-t-il été l’âge d’or de la diplomatie ?

Le XIXe siècle a été mythifié comme tel après 1918, par des diplomates nostalgiques. Il marque indéniablement l’apogée d’une culture européenne de la négociation, enracinée dans un terreau juridique et historique commun, unifiée par la langue française. Un véritable droit diplomatique et consulaire prit alors naissance, mais c’est seulement en pleine guerre froide que les relations diplomatiques et consulaires ont fait l’objet de conventions internationales, respectivement en 1961 et 1963, négociées dans le cadre de l’ONU et… à Vienne.

A partir de la fin du XVIIIe siècle, les Européens ont dû se confronter avec la pratique alternative des Etats-Unis. Ceux-ci affirmaient, par la voix de Thomas Jefferson, le tout premier secrétaire d’Etat des Etats-Unis, leur refus des négociations secrètes et des rituels des cours européennes, et prônaient une diplomatie « morale », fondée sur le respect du droit des gens, qui n’était pas incompatible avec la défense farouche de leurs intérêts, économiques en particulier. Un siècle plus tard, on a assisté à une normalisation relative de leurs pratiques. La diplomatie occidentale est défiée aujourd’hui par un usage alternatif du droit international de la part d’Etats porteurs d’une autre vision du monde. La « diplomatie des diplomates » a dû aussi, depuis deux siècles, apprendre à vivre avec d’autres acteurs infra et transnationaux.

Existe-t-il des invariants dans la diplomatie ?

Il ne peut y avoir de rencontre un tant soit peu constructive sans un minimum de langage commun, de codes ou de principes partagés. L’Union soviétique, après avoir tenté de remettre radicalement en cause l’institution diplomatique en octobre 1917, a fini par accepter une forme de normalisation, manifeste dans le langage diplomatique et la reprise de la terminologie juridique traditionnelle, dans le cadre d’une diplomatie économique rendue impérative par la famine.

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