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Un an après la guerre au Haut-Karabakh, l’Arménie hantée par le souvenir de ses morts et ses blessés

Rassemblement en hommage aux morts de la guerre de 2020 au cimetière militaire d’Erablur, à Eravan, le 21 septembre 2021. KAREN MIRZOYAN POUR « LE MONDE »

La nuit est tombée lorsque le cortège arrive au cimetière militaire d’Erablur, sur les hauteurs d’Erevan. Après une heure et demie de marche aux flambeaux à travers les rues de la capitale arménienne, des centaines de personnes se recueillent en silence sur les sépultures, éclairées par la lumière des bougies et la pleine lune. Dans les allées, des familles aux yeux rougis serrent contre elles le portrait de jeunes hommes en treillis. Ces soldats font partie des quelque 4 000 Arméniens morts pendant la guerre face à l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, à l’automne 2020.

Cette marche, ce sont les familles des défunts qui l’ont voulue. Pour elles, il était hors de question de se mêler aux festivités officielles qui se déroulaient au même moment dans le centre d’Erevan, mardi 21 septembre, pour commémorer le 30e anniversaire de l’indépendance de l’Arménie. Le premier ministre, Nikol Pachinian, avait promis une « célébration colorée à grande échelle ». La formulation a choqué, tant, un an après la guerre qui a commencé le 27 septembre 2020, l’Arménie reste hantée par le souvenir des soldats morts au front, les centaines de disparus, les milliers de blessés, et les dizaines d’autres toujours en prison en Azerbaïdjan.

Excuses du premier ministre

Le chef du gouvernement s’est ensuite excusé. Le jour des célébrations – un sobre concert de musique classique, sans parade militaire –, il s’est lui aussi rendu au cimetière d’Erablur, le matin, pour rendre hommage aux militaires. En l’apprenant, des familles de victimes ont tenté de lui barrer la route. Gayané Shelelenkyan, 55 ans, dont le neveu est mort au combat, a elle aussi accouru. « Il n’a pas le droit de s’approcher de la tombe de nos fils », s’indigne-t-elle, convaincue que « c’est lui qui a mené le pays à la catastrophe ». Derrière elle, Hovannès Ghazaryan, 40 ans, opine. « Jamais je n’aurais imaginé qu’on puisse célébrer le 30e anniversaire de l’indépendance de façon aussi triste », confie cet ancien partisan de M. Pachinian.

Depuis quelque temps, à Erevan, de nouvelles silhouettes apparaissent dans les cafés. Des jeunes à qui il manque un pied, un bras, ou une jambe. Le sacrifice porté par toute une génération d’Arméniens pour défendre ce qu’ils considèrent comme leur « patrie » se voit aussi dans l’espace public avec le retour de ces blessés, sortis des hôpitaux après une longue convalescence.

Célébration des morts de la guerre de 2020 au mémorial militaire de Yerablur, à Eravan, en Arménie, le 21 septembre 2021. KAREN MIRZOYAN POUR « LE MONDE »

Des centaines d’entre eux se retrouvent régulièrement au centre de réhabilitation pour les défenseurs de la patrie, installé dans l’enceinte de l’hôpital d’Erevan. Surnommé la Maison du soldat, ce lieu unique en Arménie, bien connu des militaires, a ouvert ses portes en janvier 2018, deux ans après la deuxième guerre du Haut-Karabakh, pour prendre en charge les blessés, les soigner, leur offrir un espace convivial et leur permettre de se réinsérer dans la société. Tout a été financé par des dons privés. « Jusqu’à récemment, l’Etat ne s’est jamais intéressé à ces gens-là », explique Saten Mikayelyan, la porte-parole du centre.

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