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A Abidjan, des habitants « déguerpis » par la construction du métro

LETTRE D’ABIDJAN

Des employés travaillent à la construction d’une ligne de métro à Abidjan (Côte d’Ivoire), en septembre 2019. SIA KAMBOU / AFP

« Attention : un train peut en cacher un autre. » En contemplant les gravats de ce qui était encore il y a peu la maison familiale, Moussa Doumbia, 72 ans, doit penser à cet avertissement ferroviaire inscrit sur un panneau planté à quelques dizaines de mètres. Son père, Sediman Doumbia, commerçant, s’était installé là dans les années 1930, à proximité de la gare d’Anyama, une bourgade du nord d’Abidjan, pour faire acheminer par les rails et par la route de la noix de cola vers les territoires du Nord, qui deviendront, après les indépendances, le Burkina Faso et le Mali.

Au fil des ans, des travaux sur la ligne de chemin de fer l’ont contraint à se déplacer autour de la gare. Il râlait, mais restait dans le coin : les affaires étaient bonnes et la compagnie ferroviaire l’indemnisait à chaque fois. Près d’un siècle plus tard, Moussa Doumbia marche sur les décombres de la maison qu’il a héritée de son père ; cette fois, elle a été définitivement rasée par des bulldozers pour que passe le métro d’Abidjan.

Autour de lui, en ce début du mois de septembre, à quelques jours de la rentrée scolaire, ils sont des centaines à soulever les débris pour chercher à sauver ce qui peut l’être ; ici un matelas éventré, là les affaires d’école des enfants. Propriétaires et locataires s’entraident et cherchent à comprendre comment, en quelques minutes, ils ont tout perdu, le vendredi 20 août, à l’aube, quand les démolisseuses sont entrées dans le quartier, protégées par des fourgons de la gendarmerie.

Surpris par la violence de l’opération

Les anciens riverains qui, comme lui, ont perdu leur maison dans l’opération « Libération des emprises de la ligne une du métro d’Abidjan » exigent d’obtenir les compensations financières qui leur ont été promises. Surpris par la violence de l’opération, Moussa Doumbia et ses voisins reconnaissent avoir été prévenus quelques jours plus tôt. Mais s’ils n’ont pas bougé, c’est que le métro d’Abidjan, ils n’y croyaient plus. Voilà des années qu’on leur disait que sa construction était imminente et que leur quartier serait « déguerpi », autrement dit rasé, et, eux, expulsés.

Un réseau de transport urbain pour désengorger la capitale économique, tous les présidents ivoiriens depuis le premier d’entre eux, Félix Houphouët-Boigny, en ont rêvé et l’ont promis. Lancé sous l’ex-président Laurent Gbagbo en 2001, le projet du « métro d’Abidjan » s’est accéléré lorsque son successeur, Alassane Ouattara, que ses partisans surnomment « le bâtisseur », a décidé d’en faire un marqueur de sa politique de développement. Pour retrouver son image de marque, celle de « locomotive d’Afrique de l’Ouest », la Côte d’Ivoire se devait d’avoir son métro. Quand la première rame partira, en 2026 selon le gouvernement, Abidjan deviendra la 7e ville africaine équipée d’un train urbain derrière Abuja, Addis-Abeba, Alger, Le Caire, Oran et Lagos (en 2022 pour les deux dernières).

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