France World

Appellation « champagne » en Russie : le litige pourrait se régler devant l’OMC

Des bouteilles de « champagne » russe, dans une petite boutique du centre de Moscou, le 3 juillet 2021. ALEXANDER NEMENOV / AFP

La décision a « scandalisé » les producteurs de champagne français. L’appellation « champagne », maintes fois usurpée et désormais protégée, se trouve menacée en Russie par une loi signée par le président Vladimir Poutine lui-même, vendredi 2 juillet. Le texte oblige les distributeurs de marques de champagne à inscrire sur la contre-étiquette, placée au dos de la bouteille, la mention « vin pétillant ». La traduction de champagne en russe – « champanskoïe », selon la translittération française – serait réservée aux producteurs russes de vins pétillants.

Les producteurs de champagne ont interpellé, lundi 5 juillet, les diplomaties française et européenne pour intervenir dans ce dossier. La France croit aux négociations, mais portera si nécessaire le dossier devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Si, d’aventure, il y a des violations avérées des règles de l’OMC, eh bien, nous poursuivrons, comme nous avions envisagé de le faire antérieurement à l’égard de la Russie. J’espère que le dialogue permettra de régler cette difficulté », a déclaré le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, interpellé, mardi 6 juillet, sur ce sujet à l’Assemblée nationale.

Regrettant un « examen vraiment très rapide au Parlement russe » du texte en question, le chef de la diplomatie française a déclaré ne pas en mesurer encore toutes les conséquences. « Cette loi s’inscrit dans une logique de mesures protectionnistes de la part de la Russie dans le secteur viticole », a ajouté M. Le Drian. « Nous avons d’ailleurs déjà été amenés à porter cette question devant l’OMC sur la remise en cause des indications géographiques. »

Le Comité Champagne demande un arrêt des exportations

« Priver les Champenois du droit d’utiliser le nom champagne [en cyrillique] est scandaleux ; c’est notre patrimoine commun et la prunelle de nos yeux », ont dénoncé dans une déclaration commune Maxime Toubart et Jean-Marie Barillère, coprésidents du Comité Champagne. Ils ont demandé aux entreprises champenoises de cesser toute expédition vers la Russie, jusqu’à nouvel ordre.

Selon le Comité Champagne, si les vins de Champagne conservent le droit exclusif d’utiliser le nom champagne en caractères latins sur l’étiquette principale, cette nouvelle loi les oblige à renoncer au terme « champanskoïe » et à se présenter sous le terme vin mousseux en caractères cyrilliques sur la contre-étiquette.

« Les Russes, ce qu’ils lisent, ce n’est pas le latin, c’est les caractères cyrilliques ! », a déclaré Charles Goemaere, directeur général du Comité Champagne. La Russie n’est que le 15e marché d’exportation du champagne, avec environ deux millions de bouteilles sur les 150 millions vendues en moyenne chaque année hors de France, mais il est « relativement bien valorisé », parce que les Russes achètent de jolies cuvées, selon M. Goemaere.

Le Comité Champagne regrette que cette loi « remette en cause plus de vingt ans de discussions bilatérales entre l’Union européenne et la Russie sur la protection des appellations d’origine ». Déplorant n’avoir pas été informé de la mise en place de cette nouvelle législation, le comité se dit déterminé à poursuivre les discussions avec les autorités russes pour obtenir le droit exclusif à l’usage du nom champagne.

Le Sovetskoïe champanskoïe, une boisson bon marché

Lancée en 1937, sous Staline, la marque Sovetskoïe champanskoïe devait désacraliser une boisson bourgeoise en la rendant accessible à tous les prolétaires de l’Union soviétique. Parallèlement, plusieurs républiques avaient aussi lancé leur cognac, ou « koniak ». Ces boissons furent produites massivement et vendues à un prix accessible. Mais elles sont devenues par la même occasion synonymes de pâles copies de leurs versions françaises.

Après la dislocation de l’URSS, l’appellation « champanskoïe » a perduré, ce qui a commencé à poser problème, en particulier après l’adhésion de Moscou à l’Organisation mondiale du commerce en 2012. Selon l’association russe des producteurs de vins pétillants, les usines du pays peuvent produire jusqu’à 220 millions de bouteilles par an, la grande majorité (216 millions) sur la base d’une méthode de production très différente de celle utilisée en France.

Appellation d’origine contrôlée, le terme « champagne » est jalousement défendu par la France, qui rappelle que le vin doit provenir d’un périmètre précis dans la région du même nom pour avoir droit de s’en prévaloir. La défense de l’appellation Champagne est un combat ancestral des producteurs, qui se sont associés dès 1843 « contre les utilisations trompeuses de producteurs de vins mousseux », rappelle le Comité Champagne.

Depuis le milieu des années 1980, les producteurs ont cherché à étendre le champ de protection de l’appellation « champagne » contre les utilisations parasitaires qui en détournent et affaiblissent la notoriété.

Le Monde avec AFP

Source

L’article Appellation « champagne » en Russie : le litige pourrait se régler devant l’OMC est apparu en premier sur zimo news.