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Irak : une tentative d’assassinat vise un journaliste, 24 heures après la mort d’un militant

Une foule rassemblée pour les funérailles d’Ehab al-Wazni, à Kerbala, en Irak, dimanche 9 mai. Une foule rassemblée pour les funérailles d’Ehab al-Wazni, à Kerbala, en Irak, dimanche 9 mai.

Les attaques contre des personnalités font ressurgir le spectre des éliminations politiques en Irak. Un journaliste irakien était tôt, lundi 10 mai, en soins intensifs après une tentative d’assassinat dans le sud du pays, 24 heures après qu’Ehab al-Ouazni, l’une des voix anti-pouvoir, a été abattu.

Tôt dimanche, pendant l’une des « Nuits du destin » du ramadan – sacrées dans l’islam –, alors qu’Ehab al-Ouazni rentrait chez lui dans les ruelles de Kerbala, où les factions armées pro-Iran sont légion, des tireurs à moto ont surgi, pour l’abattre. Ce coordinateur des manifestations à Kerbala, qui avait été de toutes les luttes sociales depuis des années dans cette ville, avait réchappé de justesse au même scénario en décembre 2019. Des tireurs à moto, pistolets équipés de silencieux en main avaient tué sous ses yeux un camarade de lutte, Fahem al-Taï.

Depuis l’assassinat d’Ehab al-Ouazni, la situation n’a cessé de dégénérer. Des manifestations ont éclaté à Kerbala, mais aussi à Diwaniyah et Nassiriya, deux autres villes du Sud. Alors que dans la soirée, des manifestants ont brûlé des pneus et des préfabriqués devant le consulat d’Iran à Kerbala après avoir scandé au cours du cortège funéraire de M. Ouazni « Iran dégage ! » ou « Le peuple veut la chute du régime ! », une nouvelle attaque a eu lieu.

Vers une heure du matin, « alors qu’il sortait de sa voiture pour rentrer chez lui » près de Diwaniya, le journaliste Ahmed Hassan de la chaîne irakienne al-Fourat, était victime de tirs, rapporte à l’Agence France-Presse (AFP) un témoin présent au moment des faits. Il est depuis en soins intensifs après avoir reçu « deux balles dans la tête et une à l’épaule », a expliqué un médecin à l’AFP.

Des législatives attendues en octobre

L’assassinat de M. Ouazni et la tentative d’assassinat contre M. Hassan ont aussitôt fait ressurgir le spectre des éliminations politiques, dans un pays qui en était coutumier durant la guerre civile (2006-2009) mais où ils avaient depuis cessé.

Ces violences interviennent alors que le pays est censé organiser des législatives en octobre – un scrutin anticipé promis dans la foulée d’une révolte inédite en octobre 2019. Ce mouvement, la « révolution d’octobre » conclue par près de 600 morts, ne s’est arrêté que sous les coups d’une campagne d’intimidations, d’enlèvements et d’assassinats.

Au moment où la colère gagne les rangs des anti-pouvoir à travers le sud chiite, rural et tribal de l’Irak, cinq partis, dont Al-Beit al-Watani (« le bloc national », en arabe), l’un des rares partis nés de la « révolution d’octobre » qui tenait encore à participer aux élections législatives prévues en octobre, ont annoncé jeter l’éponge.

« Comment un gouvernement qui laisse passer sous ses yeux des pistolets avec silencieux et des bombes peut-il garantir un climat électoral sûr ? », interroge al-Beit al-Watani dans un communiqué, appelant à « boycotter l’ensemble du système politique ». Le parti communiste a également annoncé envisager de boycotter les élections.

Un manque de protection

Les militants sont exaspérés, réclamant une protection du gouvernement actuel, nommé parce que le précédent avait dû partir face à la « révolution d’octobre ». La police de Kerbala a eu beau dire qu’elle ne « ménagerait pas ses efforts » pour retrouver « les terroristes » derrière cet « assassinat » et le premier ministre Moustafa al-Kazimi promettre de « rattraper tous les tueurs », ils n’ont pas convaincu.

La famille Ouazni a ainsi affirmé qu’elle ne recevrait aucune condoléance tant que les auteurs ne seraient pas démasqués. Car les militants considèrent que M. Kazimi, également patron du renseignement, n’a toujours pas fait, un an après sa prise de fonction, justice aux critiques assassinés.

« Quelles vraies mesures ont été prises par le gouvernement Kazimi pour que les auteurs répondent de leurs crimes ? », interroge Ali Bayati, de la Commission gouvernementale des droits humains.

M. Ouazni lui-même s’en était pris au chef de gouvernement en février sur Facebook : « Tu es au courant de ce qu’il se passe ? Tu sais qu’ils enlèvent et tuent ou bien tu vis dans un autre pays que nous ? »

Depuis octobre 2019, au moins 70 militants ont été victimes d’assassinats ou de tentatives d’assassinat et des dizaines enlevés plus ou moins brièvement. Hicham al-Hachémi, un spécialiste du djihadisme, a été assassiné en juillet 2020 sous les yeux de ses enfants devant sa maison à Bagdad.

Personne n’a revendiqué leur mort mais pour les militants, comme pour l’ONU, ce sont des « milices ». « Les milices de l’Iran ont assassiné Ehab et vont tous nous tuer, elles nous menacent et le gouvernement reste silencieux », a dénoncé l’un de ses amis dans une vidéo tournée à la morgue. Et surtout, martèlent les militants, vidéo à l’appui, M. Ouazni avait récemment affirmé aux forces de l’ordre se sentir menacé. Aucune protection ne lui a été accordée, assurent-ils.

Le Monde avec AFP

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