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Violences en Irlande du Nord : “le Brexit a déstabilisé une paix déjà fragile”

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Publié le : 10/04/2021 – 07:49

Depuis dix jours, de violentes émeutes secouent l’Irlande du Nord. Attisées par le Brexit, ces tensions, sans précédent depuis plusieurs années, laissent craindre un regain du conflit entre unionistes, défenseurs du maintien de la nation au sein du Royaume-Uni, et républicains, partisans d’une Irlande réunifiée. 

L’Irlande du Nord est-elle en train de renouer avec de « vieux démons » ? Depuis une dizaine de jours, des émeutes éclatent chaque soir dans plusieurs villes, notamment à Belfast. Dans des zones loyalistes, des groupes d’adolescents s’arment de briques et de cocktails Molotov. Leur cible : des républicains catholiques. 

Dans la nuit du jeudi 8 avril au vendredi 9 avril, la police a ainsi été prise en étau entre les loyalistes, en majorité des protestants, et républicains, en majeure partie catholiques. Pendant des heures, ces jeunes se sont lancés des projectiles, s’en prenant aussi aux forces de l’ordre. Vendredi, les autorités ont dénombré plus de 50 blessés parmi les forces de l’ordre. 

Ces images font resurgir le spectre des trois décennies sanglantes de guerre civile entre loyalistes et républicains, qui avait fait 3 500 morts, et qui s’était conclue en 1998 par l’accord du Vendredi saint. 



Au centre des tensions, le Brexit et le retour des contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni. Fabrice Mourlon, maître de conférences à Paris-XIII et spécialiste de l’Irlande du Nord décrypte pour France 24 les raisons de ce regain de violences. 

France 24 : Quelles sont les relations actuelles entre unionistes et républicains en Irlande du Nord ?

Fabrice Mourlon : La paix a toujours été fragile en Irlande du Nord. C’est une paix qui est encore très jeune : les accords du Vendredi saint n’ont qu’un peu plus de 20 ans. Il y a eu beaucoup d’avancées ces dernières années, mais on sent que les tensions sont toujours là. Ça bout et on sait que ça peut déborder à n’importe quel moment. 

D’ailleurs, des émeutes éclatent régulièrement entre loyalistes et républicains. Par exemple, des violences ont lieu presque chaque année, le 12 juillet, lors de la traditionnelle marche unioniste dite « des Orangistes » [qui marque la victoire en 1690 du roi protestant Guillaume III sur son rival catholique Jacques II].

L’équilibre politique aussi est fragile, car l’accord du Vendredi saint prévoient un consensus politique systématique entre les deux mouvements. Le Parlement nord-irlandais a ainsi été suspendu à plusieurs reprises, dont une fois pour une durée de cinq ans entre 2002 et 2007. 

Pourquoi le Brexit cristallise-t-il ces nouvelles tensions ? 

Depuis que le Brexit a été voté en 2016, on savait que la question de l’Irlande du Nord allait poser problème. Il fait renaître chez les unionistes la crainte d’une sortie du Royaume-Uni.

Ce qui cristallise cette crainte, c’est la mise en place du protocole nord-irlandais négocié entre Londres et Bruxelles. Ce dernier établit  des contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et l’Angleterre. Et plutôt que de créer une frontière terrestre entre les deux Irlandes, elle institue une frontière maritime, en mer d’Irlande. Concrètement, toutes les marchandises qui transitent par le Royaume-Uni pour arriver en Irlande du Nord doivent être contrôlées. En revanche, elles pourront circuler librement entre l’Irlande du Nord et l’Irlande. 

Il faut bien comprendre qu’avec le Brexit, la place de l’Irlande du Nord devient un véritable casse-tête. La région conserve en effet un pied dans le marché intérieur européen, mais reste aussi une nation du Royaume-Uni.

Pour beaucoup d’unionistes, ce protocole nord-irlandais met à mal leur identité britannique. Certains vont plus loin et craignent que cela soit une étape intermédiaire avant une réunification entre les deux Irlandes et une séparation d’avec le Royaume-Uni. 

Globalement, il y a toujours eu une sorte de paranoïa chez les loyalistes, qui ont peur d’être lâchés à n’importe quel moment par le Royaume-Uni. Le Brexit a encore attisé cela. 

Outre le Brexit, d’autres éléments ont-ils attisé ces tensions ? 

Un autre événement, plus anecdotique, a effectivement fait monter d’un cran les tensions. En juin 2020, en pleine épidémie de coronavirus, faisant fi des restrictions sanitaires en vigueur, vingt-quatre responsables du Sinn Fein, qui prône la réunification de l’Irlande, ont décidé d’assister, à Belfast, aux obsèques de Bobby Storey, qui aurait été le chef du renseignement de l’Armée républicaine irlandaise (IRA). 

Fin mars, les autorités nord-irlandaises ont décidé de ne pas les poursuivre en justice. Ça a provoqué une importante polémique dans le pays. Pour les unionistes, c’était une nouvelle preuve d’une justice à deux poids-deux mesures qui favoriserait les républicains.  

Qui participe à ces émeutes ? 

Les violences ont débuté dans la ville à majorité unioniste de Derry, avant de s’étendre à la zone de Lanark Way, dans l’ouest de Belfast. Il s’agit de zones populaires, où des émeutes ont déjà éclaté à plusieurs reprises. C’est d’ailleurs à Derry que Lyra McKee, journaliste britannique, avait été tuée lors d’affrontements en 2019. 

Désormais, on a affaire à un effet boule-de-neige. Des violences émergent un peu partout, même dans des quartiers majoritairement républicains. 

Dans les émeutes, ont voit principalement des jeunes, certainement désœuvrés et désabusés face à la crise économique engendrée par la pandémie. Selon moi, ces émeutes sont autant sociales que politiques. J’y vois un phénomène assez proche de ce qui a pu se passer ces dernières années dans certaines banlieues françaises. Par ailleurs, ces jeunes sont très certainement encouragés et manipulés par des groupes paramilitaires unionistes.

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