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Le boycottage, une « arme » de moins en moins utilisée

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Boycotter la Coupe du monde 2022, comme certains clubs norvégiens en ont émis l’idée ? Ou les Jeux olympiques d’hiver à Pékin, plus tôt la même année, au nom du respect des droits humains ? Très mauvaise idée, selon le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach : « On doit juste apprendre de l’histoire. Un boycottage n’a jamais servi à quoi que ce soit, sinon à punir les athlètes », a-t-il estimé, fin mars, en réponse aux voix qui montent, de Norvège ou d’Allemagne.

Désormais sexagénaire, M. Bach parle d’expérience. Sacré champion olympique d’escrime par équipes en 1976, il a dû renoncer à la défense de son titre quand, quatre ans plus tard, l’Allemagne de l’Ouest boycottait les Jeux olympiques de Moscou. « Le boycottage des JO 1980 faisait suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, et les troupes soviétiques sont parties en 1989, neuf ans plus tard ! Le boycottage n’a servi à rien. »

Evoquer le boycottage dans le sport fait remonter des relents de guerre froide. « Il s’agissait d’une arme alors utilisée dans une logique de blocs, d’alliances fortes », rappelle Carole Gomez, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). En 1980, l’URSS organisait les Jeux sans pouvoir compter sur les Etats-Unis et 65 autres nations. Quatre ans plus tard, à Los Angeles, l’Union soviétique et dix-sept autres délégations renonçaient à se rendre en Amérique. En 1988, six pays (Albanie, Cuba, Ethiopie, Madagascar, Nicaragua et Seychelles) s’associaient à la Corée du Nord dans son refus de concourir à Séoul, chez sa voisine du sud.

« Ils ne sont pas analystes géopolitiques »

Au nom d’une neutralité sportive, la France a participé à chacun de ces Jeux – à l’exception, en Union soviétique, des fédérations d’équitation, de tir et de voile. Aujourd’hui, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) reste fidèle à cette ligne. Denis Masseglia, son président, se dit « catégoriquement contre » l’idée d’un futur boycottage. Ce serait, selon lui, « faire endosser aux sportifs un rôle qui n’est pas le leur et qui ferait d’eux les seuls punis à la fin, les dindons de la farce. Ou alors, si certains parlent de boycottage, que celui-ci vienne d’abord de la part du monde politique, économique, culturel. Mais pourquoi les sportifs en premier ? Pourquoi leur demander de sacrifier leur objectif majeur ? ».

Pour des athlètes se préparant parfois toute leur vie à un rendez-vous olympique, se retrouver porte-drapeau d’une cause parfois bien plus large présente quelques risques. « S’ils ne maîtrisent pas le sujet, ça peut être glissant pour certains, estime Carole Gomez. Ils ne sont pas analystes géopolitiques. »

« Le seul boycottage qui a bougé les choses, c’est celui de l’Afrique du Sud de l’Apartheid », souligne Simon Chadwick, directeur du Centre pour l’industrie des sports eurasiatiques, à l’EM Lyon business school. D’une part, le CIO a empêché toute délégation sud-africaine de participer aux Jeux, de ceux de 1964 à ceux de 1988. D’autre part, en 1976, vingt-deux nations africaines boudaient les Jeux de Montréal pour protester contre la présence de la Nouvelle-Zélande, dont les rugbymen avaient affronté les Springboks auparavant. « Mais si le sport a joué un rôle dans son dénouement, il s’agissait d’un boycottage long de plusieurs années, pas d’un simple boycottage de tee-shirt. » Les footballeurs norvégiens et consorts apprécieront.

La rhétorique et la pratique

Si ce mode d’action se raréfie, c’est également dû aux ressources grandissantes et au « pouvoir accru des instances internationales comme le Comité international olympique », analyse Carole Gomez. Avant d’organiser les Jeux d’hiver 2022, Pékin a ainsi fait le plein de participants à l’été 2008, malgré les protestations préalables d’organisations non gouvernementales au sujet du Tibet. Tout comme Sotchi, dans la Russie de Vladimir Poutine, pour le rendez-vous hivernal de 2014.

Le mot « boycottage » n’est cependant pas à rayer du dictionnaire. Mais il sert désormais le plus souvent dans un usage rhétorique. Sans passage à l’acte. Ou alors, dans l’absolu, seulement à titre individuel. Même lorsqu’il semble irréalisable, un simple appel au boycottage représente « un moyen peu coûteux de mobiliser la population ou de mettre des sujets à l’agenda », selon Carole Gomez. Ou de mobiliser contre des marques associées aux événements : « Des activistes menacent de s’en prendre aux activités d’AirBnB, l’un des sponsors des JO, en marge de Pékin 2022 », signale Simon Chadwick.

Lors de sa récente présentation des tenues destinées à la délégation d’Australie pour les Jeux de Tokyo, prévus pour l’été 2021, l’équipementier japonais Asics s’est ainsi attiré un tombereau de critiques. Il lui a été reproché de recourir à du coton cultivé dans la région autonome du Xinjiang, où la Chine est entre autres accusée de soumettre la population ouïghoure à du travail forcé. Désormais, même les sponsors sont sommés de s’engager.

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